Exit l'azur du bord de mer. A nous les ocres de l'Atlas, le vert des oasis ou les dunes dorées aux portes du désert. A deux heures de la maison un autre monde à redécouvrir à la force des mollets.
Novembre 2021
6 semaines
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J-3
C'est dans la boîte

Enfilez la djellaba, chaussez les babouches, préparez vous un petit thé à la menthe et sortez le narguilé. Les filles vous êtes dispensées de voile, et pouvez mettre la mini jupe si vous voulez, même qu'on préfèrerait. On vous embarque avec nous bande de petits veinards, et ne demandez pas comment ça nous à pris c'est toujours par surprise. Un jour, y a pas longtemps, on s'est dit que le Maroc, c'était exactement là où il fallait aller poser nos pneus, puisque les autres ne voulaient pas de nous. On a un programme aux petits oignons. Juste, on se demande si on n'a pas vu un peu grand pour nos vieilles carcasses. Mais ce dont on est certains c'est de pouvoir compter sur votre soutien indéfectible au moment de l'effort suprême. Quand à bout de forces, rattrapés par la nuit nous serons obligés de camper au milieu de rien, que la tempête se lèvera en pleine nuit, que l'Oued gonflé par des pluies diluviennes emportera tente et dormeurs parce que t'as pas fais gaffe et t'as campé dans le lit de la rivière pauvre cloche ! ...."calme toi Richard c'est bon ! Je crois que tu les as convaincus, ils vont nous soutenir, mais n'en fais pas trop quand même". En tout cas, vous avez remarqué, on est excités à fond !

Il faut dire que le programme est alléchant : Atterrissage à Fez pour une séquence émotion façon vieux croûtons. Papy et Mamie sont arrivés exactement au même endroit en Simca 1100 voilà 43 ans, pour découvrir le Maroc en voyage de noces. Comme quoi, en vieillissant on prend du mollet hé hé. Ceux qui pensent que Janine versera à cette occasion une petite larme auront raison, si elle se met le doigt dans l'œil par mégarde. Ensuite, passage à Meknes histoire de tuer le temps en attendant nos amis Evelyne et William qui partent une semaine après nous. Puis, descente vers le sud par le Moyen-Atlas et les gorges du Ziz jusqu'à Merzouga, pour aller voir le désert. Au passage, peut être une petite option via les sources de l'Oum Rabia, autre haut lieu de pèlerinage de notre voyage de noces. A ce stade notre acclimatation devrait être suffisante pour s'attaquer aux gros morceaux; Haut-Atlas, gorges du Todhra puis gorges de Dades par une piste qui passe au col de Tizi n'Ouano à 2905m. Le test du Tizi n'Ouano décidera des options pour la suite. Dans le meilleur des cas, nos vaillants sexagénaires bien tapés se sentent encore gaillards, et ce sera la remontée de la Vallée des Roses direction le très Haut-Atlas par une piste jusqu'à Tabant, en passant par le Tizi n'Fougani 3000m et le Tizi n'Ait Imi 2909m. "Même pas en rêve" me souffle Janine. Sinon option intermédiaire toujours par la Vallée des Roses avec une boucle direction Soukra ou un passage par le Jbel Saghro. Pour finir, descente jusqu'à Tata pour aller goûter l'Anti-Atlas, puis remontée au nord ouest pour terminer à Agadir, lieu supposé de notre fin de voyage. Au total pas mal de zig-zags plus ou moins validés, que vous pouvez voir en détail sur la carte projet en haut de la page, où vous pourrez nous suivre. Si vous avez des suggestions de passages qu'il ne faut pas rater à proximité de notre route, nous sommes preneurs.

A bientôt en Afrique.

J4

Le choc est brutal à 2h30 du matin, lorsque le réveil nous rappelle que nous devons prendre un avion à 7h à Toulouse. Merci Bernard pour ce transport très matinal. A 9h du matin nous sommes à Fès, en nous demandant quelle autre destination pourrait nous procurer un dépaysement aussi total en si peu de temps ? Pour notre plus grand plaisir probablement aucune.

Notre plus gros sujet d'inquiétude dans les transports c'est que nos vélos n'arrivent pas à destination. Ouf! encore sauvés.

Pas de taxi pour rejoindre l'hébergement. On se dit que remonter nos vélos à l'aéroport et démarrer notre périple par les 15km qui nous séparent de notre Dar aux portes de la médina, nous offrirait beaucoup plus qu'un trajet en voiture. Aussitôt le déballage commencé, nous sommes agréablement surpris par le calme qui règne sur l'esplanade de l'aéroport, loin du tohu bohu habituellement rencontré dans ce genre d'endroit. La suite tempérera rapidement cette première impression.

Déballage et montage des vélos aux portes de l'aéroport en toute sérénité mais dans une ambiance bien frisquette.

Comme prévu c'est l'immersion brutale. L'application de routage vélo que j'utilise nous a concocté un joli itinéraire dont elle a le secret, et en quelques coups de pédales nous sommes plongés dans un autre monde. Les odeurs, les couleurs, les personnages, les chemins de terre dans les faubourgs de Fès, les boui-boui acollés les uns aux autres où s'entassent une quantité de marchandises aussi invraissemblable que disparate, les salutations à la volée sur notre passage. Nous y sommes, et contents d'y être. Tout ça nous rappelle beaucoup l'Amérique du Sud et en particulier la circulation dans les grandes villes, à laquelle il faut se réadapter rapidement sous peine de périr d'infarctus. Ici les chauffeurs ne nous veulent pas particulièrement du mal, il faut simplement intégrer que la notion même de sécurité, n'est pas régie par les mêmes lois qu'en Europe. Il en résulte, face à la cible, des vitesses de déplacement plus importantes et des distances de sécurité plus courtes. Il faut s'y faire, tout simplement, et s'habituer aux montées d'adrénaline que ça procure parfois, j'en conviens.


Une sortie de l'aéroport en toute tranquillité
Dans les faubourgs de Fès en pleine immersion
Dans la ville nouvelle ou dans la médina il faut se faire à la circulation
Et bien sûr le super couscous du vendredi pour commencer la journée

Question acclimatation, il y en a une dont nous n'arrivons pas à nous faire c'est l'appel à la prière. Levés depuis 2h30 du matin, nous avions prévu une bonne grasse matinée avant d'aller visiter la célèbre médina de Fès, mais c'était sans comper sur le Muezzin. Le gars il attaque à 5h du matin, bien motivé, et ça fout un raffut du diable. Je ne sais pas ce qu'il leur dit mais ça dure longtemps, très longtemps. Entre nous je pense que les fidèles doivent pas tout faire comme il faut parce qu'il avait l'air de les engueuler grave, avec des intonations et des borborygmes de la gorge qui foutent sacrement les chocottes. Le pire c'est que le mec est tenace, il recommence tous les matins, et même dans la journée il paraît. Mais là ça nous gêne moins. Nous au début on pensait que ça aller gueuler dans le quartier avec un tapage nocturne pareil. Mais curieusement, dans la matinée, en sortant dans la rue, les gens n'en parlaient pas. Aucune manifestation, rien ! Chez nous l'abbé il fait un truc comme ça, c'est sûr qu'en moins d'une semaine y a le feu à l'église non?

Bon, à part ça la médina nous a vraiment enchanté. La célèbre tannerie Chouara, les quartiers des artisans qui font un travail d'orfèvre dans leurs minuscules échoppes, les souks plus odorants les uns que les autres dans des petites ruelles d'un autre temps. Tout nous plaît, même les rabatteurs qui nous collent au train à chaque coin de rue. Surtout, si vous projetez de visiter la médina, ne faites pas l'erreur de vous priver de liberté en prenant un guide. Il vous amènera dans les échoppes de ses amis, vous fera visiter des lieux qui ne répondent pas nécessairement à vos aspirations et vous abreuvera d'explications dont vous n'avez pour la plupart du temps que faire. Tout ça à un rythme infernal parce que les autres clients attendent déjà. Au contraire, perdez vous volontairement et laissez parler votre instinct et vos envies. Vous ferez des rencontres inattendues à chaque coin de ruelle, et dans les échoppes, chaque commerçant est un guide en puissance si vous savez manoeuvrer habilement.

La tannrie Chouara au coeur de la médina, un lieu à ne pas rater
Profitez des couleurs sans les odeurs
Ici au contraire, on aimerait avoir les senteurs
Les moyens de transport ne manquent pas dans la médina
Sans oublier les artisans

Nous sommes bien chauds pour notre première étape entre Fès et Meknes, et il vaut mieux parce que l'itinéraire annonce 70km et 600m de dénivelé par une route vélo qui sort des grands axes. Juste avant de partir je demande tout de même l'avis à Abdelali notre adorable hébergeur, qui nous assure qu'on peut prendre par la nationale, c'est plus court et bien plus sûr.

L'auberge DAR ZIN tenue par Abdelali et Sanah, une valeur sûre

Après 10km de lignes droites sans intérêt et de circulation ininterrompue, nous avons conclu que l'hébergement de notre cher Abdelali ne lui laissait pas le temps de faire beaucoup de vélo. Puisque nous sommes trop loin de notre itinéraire initial, nous chargeons une fois de plus Graph Hooper offline de nous sortir quelque chose de sa boîte à malices. Il nous a comblé au delà de nos espérances. Des pistes à profusion, de la montagne, des panoramas superbes, des pentes à 16% et des rencontres inoubliables. Au premier arrêt café dans un hameau d'un autre temps, nous voilà invités par Abdelwahb à une fête donnée le soir même pour le mariage de sa fille. Pris par la piste qu'il nous reste à faire, nous déclinons poliment l'invitation et nous le regretterons plus tard en esperant que l'occasion se représentera.

Que la fête commence !
Le voyage à vélo comme on l'aime
Avec de rudes côtes...
...Qu'il faut monter à pied. Ne commencez pas à médire c'est le vélo de Janine
Des rencontres inoubliables avec l'invitation d'Abdelwahb, où Janine n'en revient pas...
Ou avec le sympathique vélo club de Meknès

Au total 70km de bonheur et 800m de dénivelé qui nous ont ravis. Une entame parfaite, mais Janine est tout de même contente d'avoir réservé un Ryad ce soir.

Janine en mode contente d'être arrivée

Demain nous descendrons vers le sud en même temps que nous entamerons notre montée dans le Moyen Atlas. On vous donne des nouvelles sans faute.

PS: Pour ceux que ça intéresse, la carte dans la version ordinateur est mise à jour quotidiennement avec le tracé GPX réel, un résumé de la journée et quelques photos.


La bise !

J10

Avec un titre comme ça, vous vous dîtes ça y est ! On va enfin tout connaître sur ce couple qui se cache derrière le profil de Papypédale. Leurs petits secrets, leurs manies, leurs peurs, leurs fantasmes, leurs engueulades, ils vont se mettre à nu et vous supputez même qu'il y aura peut être une ou deux photos de Janine à poil. Mais pour découvrir tout ça il faut lire cet article jusqu'a la fin.

Un premier indice sur les fantasmes du couple: la bonne bouffe 

Après le feu d'artifice de la première étape entre Fès et Meknès par les pistes, nous flairons la punition pour les quelques étapes à venir. Pas moyen de sortir de la nationale, si ce n'est en faisant des détours énormes qui ne nous permettraient pas de tenir le projet. Nous décidons tout de même de modifier l'itinéraire en allant sur Azrou plutôt que Ifrane qui est la ville chic à la mode avec sa station de ski, mais qui ne nous emballe pas vraiment et qui devrait attirer plus de circulation. Une fois sortis de la ville c'est bien pire que ce que lon imaginait. Adieu la bande de sécurité, la route est étroite et notre seul salut consiste à plonger dans un bas coté étroit fait de terre et gros graviers. Par dessus tout ça, il faut rajouter l'inconscience des chauffeurs marocains, dont le seul objectif est de ne pas ralentir. Autant ils sont adorables quand ils ne sont pas au volant, autant on les déteste sur la route. Dans ce contexte, il faut reconnaître que la balade vélo perd tout son sens. Notre tension est extrême, les paysages deviennent indifférents, la pédale se fait dure et les kilomètres plus longs. Mais comme nous sommes des petits malins, nous avons développé une stratégie de survie face à ce risque d'homicide routier. Elle fait appel à deux sens que toute personne normalement constitué possède; la vue et l'ouïe. Et comme on est sympa on vous donne la recette. Tu pédales tranquillement sur une route marocaine. Tout d'un coup, ton nerf optique détecte face à toi, un camion qui vient dans la voie opposée, en même temps que ton tympan vibre au vrombissement du moteur du camion qui arrive derrière toi. A ce moment là, il est impératif de juger rapidement du lieu où ils vont se croiser. S'il y a le moindre risque que ce soit à ta hauteur, c'est la qu'intervient un troisième sens, l'équilibre. Tu sautes la marche entre le bitume et le bas coté en ajustant l'angle de ta roue pour éviter le dérapage dans les graviers, et tu t'accroches fort à ton guidon pour resister au souffle du camion qui te frôle à toute berzingue. Voilà, c'est aussi simple que ça!

Celui là il es sympa il s'est écarté 
En voilà un autre qui double en haut d'une côte sans visibilité. Inchallah ! 

Après deux étapes de calvaire, on teste en arrivant sur Azrou ce qui se présente comme un sentier sur la carte, matérialisé par des pointillés. Aussitôt la route quittée c'est la révélation. Nous revivons et profitons des paysages ainsi que du contact avec les berbères que nous croisons. Et pour ne rien gâcher, nous constatons que ce que nous pensions être un sentier est une piste parfaitement roulable. Une bonne expérience qui va nous amener à modifier nos plans.

Arrivée à Azrou par le chemin des écoliers 
Un arrêt sur la nationale pour profiter du paysage. Belvédère d'Ito.

Dans notre petit hôtel au cœur de la médina c'est la branle-bas de combat. Nous scrutons la carte minutieusement pour trouver une alternative qui nous sorte de la nationale tout en conservant notre progression vers le sud. Le réseau routier marocain n'est pas particulièrement dense et le terrain très accidenté. Alors, il faut déchiffrer les RP (routes provinciales), les pistes en blanc et les pistes en pointillés, sans nécessairement présumer de leur état. C'est Janine qui trouve le bon compromis. Deux jours de piste sans croiser un seul village, avec un dénivelé de 1600D+ au total et un bivouac à 2000m d'altitude, mais ça promet du beau et de la sérénité.

A la sortie d'Azrou commence réellement la montée dans le moyen atlas, dans une forêt de cèdres de toute beauté. C'est ici l'habitat des Macaques de Barbarie, qui distraient notre ascension et nous offrent des moments de récupération.

Dans la montée sur la nationale avant de prendre la piste j'inaugure mon écarteur de voitures. 
Petite pause pour discuter avec les singes 
Dès l'instant où nous sortons de la nationale notre vie s'améliore en même temps que la route se dégrade 

Nous sommes dans le parc national d'Ifrane et prenons, petit à petit, la mesure de la beauté du site. Ici, à 2000 mètres d'altitude, la limpidité de l'air et la forte luminosité participent à la grandeur du décor. Dès que nous quittons le couvert de la forêt les grands espaces se révèlent. Nous sommes dans une zone semi-aride qui nous offre un panorama à 360° à couper le souffle. Le ciel d'un bleu azur contraste avec l'ocre de la terre, les forêts alentour amènent leur touche vert sombre et seulement un berger et son troupeau indique une présence humaine pour magnifier le tableau. Comme toujours dans ces moments là, la sensation de plénitude est à son comble et les affres de la nationale sont oubliés. Nous sommes heureux d'être là et jouissons durant deux heures de ces paysages conquis à la pédale, que nous aimerions partager avec notre famille et nos proches.

Juste heureux d'être là...
...Et pouvoir pédaler dans ce décor grandiose
La présence humainre se limite aux bergers et camps berbères qui ont abandonné la tente en poil de chèvre pour le plastique 

Au détour d'un virage, nous trouvons le point d'eau qu'avait tenté de nous indiquer un berger, à grand renfort de mimiques. Coup de chance, deux femmes et un enfant sont au puits pour la corvée d'eau. D'abord sur la retenue en me voyant arriver, la plus jeune des deux laisse éclater un grand sourire et des exclamations de joie en voyant que le deuxième vélo est monté par une gazelle. Nous avons alors la vanité de penser que ce peuple itinérant, plus ou moins sédentarisé, nous prend un peu pour des nomades sur nos destriers à pédales et nous associe à leur mode de vie. En tout cas elles nous accordent plus d'intérêt que si nous étions passés en voiture. Nous restons un moment avec elles à remonter l'eau du puits et la charger sur les ânes, en essayant de communique comme on peut. Leurs visages radieux respirent la joie de vivre et expriment force, sérénité et assurance. Elles s'acquittent de leur corvée avec le sourire, puis retournent à leur camp au plus court à travers la montagne, en ignorant la piste. Une belle leçon d'humilité pour ceux qui rechignent à sortir les poubelles au bout du portail.

Une belle rencontre comme on les aime. 

Pour bivouaquer nous n'avons que l'embarras du choix, mais il vaut mieux se poser près d'une réserve de bois, parce qu'à 2000 mètres d'altitude, on pressent une ambiance frisquette dès que Mahomet se couchera. Le camp est monté, le feu crépite, le berger vient nous rendre visite et en se couchant nous sommes certains de vouloir vivre encore longtemps des moments comme ça. La nuit avec sa température de moins trois degrés viendra tempérer notre euphorie. Comme des novices nous avons laissé nos duvets -12° à la maison pour emporter les +5°, juste pour gagner 400 grammes et un peu de place. J'ai pas le courage de me filer une paire de claques mais je les mérite.

On ne devrait pas être embêtés par les voisins 
Avec une couche de givre au petit matin 

Le lendemain la fête continue jusqu'àu débouché sur la nationale. Deux jours de récréation dans un environnement majestueux qui font l'essence du voyage à vélo.

Sous le charme du Moyen Atlas 
 On ne s'en lasse pas

Ah oui j'allais oublier de vous dire que les masques, ce n'est pas le souci majeur des marocains. Nous ne sommes pas allé voir dans les administrations ou commissariats si les mêmes policiers qui les portent sous le menton dans la rue, coiffaient nez et bouche à l'intérieur, mais la population, elle, ne paraît pas traumatisée par la pandémie. Que ce soit au souk, où nous déambulons le long des étals collés les uns aux autres, les restaurants et les bars où la distanciation est un lointain souvenir, personne ne porte de masque.

Bas les masques dans le souk 

Vous dire aussi que nous adorons les marocains (même si je vous l'ai déjà dit), et ils nous le rendent bien. Sur le vélo lorsque nous passons dans les petits villages, les arrêts sont fréquents pour discuter le coup ou simplement dire bonjour. Et contrairement à ce que nous avions pu lire dans les récits de voyageurs, aucun gamin ne nous harcèle pour des bombons, une pièce ou autres fantasmes de mendicité. Ici les gens sont chaleureux et dignes. Bien sûr nous nous faisons systématiquement alpaguer par les rabatteurs à l'entrée des villes, mais ils ne font que leur boulot de rabatteur pour les hébergements avec lesquels ils travaillent.

Le charme des peits villages dès que nous pouvons sortir de la nationale 
 Pour partager la gentillesse de ses habitants

Et enfin vous dire aussi que notre cure de désintoxication se passe à merveille. Une seule bière en 12 jours et malgré cette unique rechute, Janine ne présente aucun symptôme inquiétant, style tremblements incontrôlés ou délirium tremens.

Nous roulons vers le désert en compagnie de William et Evelyne et la vie est belle.

J17

A croire que William et Evelyne nous portent chance. Cette première étape en leur compagnie qui promettait du costaud avec un peu plus de 80km et un joli col au programme se présente sous les meilleurs hospices. Dès le départ de Midelt, un vent à dévoiler les gazelles marocaines et a déchècher (Ben quoi ça pourrait exister, c'est l'action d'enlever le chèche à l'aide du vent) la tête de leurs mecs nous pousse dans le dos. Du coup en moins de deux on torche l'étape avec le sourire et c'est un bon démarrage à quatre.

Facile la Janine avec le vent dans le dos

Les gorges du Ziz à suivre sont un joli morceau, mais paraît il que juste avant les gorges, le village de Moulay Ali Cherif propose des thermes d'eau chaude qui nous tentent bien. En plus nous avons découvert en fouillant dans les récits de voyageurs, qu'il existe un spot secret en plein air totalement naturel au bord de la rivière. Autant dire qu'on est à fond motivés pour le débusquer. En arrivant sur le village nous apercevons depuis la route, au bord de la rivière, quelques personnes autour d'un panache de vapeur qui s'élève droit dans le ciel. Tu parles d'un secret de polichinelle. Certains ont le chic pour faire des mystères avec pas grand chose. En approchant du spot pas si secret que ça, le groupe nous fait des signes que l'on interprète comme des gestes de bienvenue. Mais alors qu'on accélère pour les rejoindre en se disant que l'accueil des marocains est vraiment infaillible, nous recevons les premiers cailloux lancés par des baigneurs qui semblent maintenant fort mécontents. Ce brusque changement d'humeur nous laisse perplexes. C'est en voyant sortir un gilet jaune (pas le même que les nôtres, lui c'est un vrai gardien) de sa cahute en vociférant, que l'on comprend que les baigneurs sont des baigneuses. Et par conséquent que la lapidation était parfaitement justifiée parce qu'on ne joue pas aux voyeurs quand c'est l'heure du bain des femmes du village.


En arrivant sur le spot secret quand nous pensions encore être les bienvenus

Alors on se dit qu'il nous reste tout de même "le pas secret" pour profiter des bains chauds, afin qu'on ne soit pas venus jusqu'ici pour rien. Nouveau fiasco ! L'eau est à 53 degrés, si bien que pour ne pas finir comme des homards, les aspirants baigneurs remplissent un seau à moitié avec l'eau thermale, complètent avec de l'eau du robinet et se le versent sur la tête. Le truc que tu peux faire tranquillement chez toi. Du coup on a fait une rando sur les sommets environnants et vous avez droit à une jolie photo.


En bas le village thermal qui nous veut du mal

Je dois avouer que les paysages sur cette descente vers les portes du désert ne sont pas ultra captivants. Le seul site remarquable sont les gorges du Ziz, mais au petit matin la luminosité n'est pas favorable pour en profiter pleinement.


Les gorges du Ziz sans le soleil c'est beaucoup moins bien.

Alors, puisque les paysages ne nous proposent pas mieux, nous décidons de faire plus ample connaissance avec les marocains. Nous partons de Moulay Ali Cherif avec une invitation par procuration à Meski, chez la famille d'Abdullah. C'est Saïd, rabatteur de son état qui nous a proposé le plan. Nous sommes bien conscients que cette invitation n'a rien de spontanée et qu'il faudra s'acquitter d'un bakshish, mais passer la soirée et la nuit au sein d'une famille Marocaine nous tente bien. Chez Abdullah, l'accueil est chaleureux pour ne pas dire caniculaire. Ils sont aux petits soins et ne nous quittent pas d'une semelle. Après le traditionnel thé d'accueil, nous avons droit à tout le cérémonial. La visite du chantier de la maison en construction.

Visite obligatoire au chantier d'Abdullah, un sacré personnage

Puis la visite de la maison du frère, du jardin, du potager, et même de la vache qui donne du bon lait et que c'est très bon pour la santé. Ensuite, c'est au tour de la famille et des amis de nous rendre visite. La tantine, le beau frère, les neveux, les cousins, l'amie de la fille, le voisin qui est déjà allé en France, tout le monde passe chez Abdullah pour dire bonjour et baragouiner avec les français.

Le cérémonial du thé pour accueillir les invités

Pour finir tout les visiteurs sont rentrés chez eux et nous avons pu manger dans l'intimité de la petite famille. Tant mieux parce que le couscous de Fatima était à se lécher les doigts, ce qu'ils font d'ailleurs avec le sourire puisqu'ils ont tenu à nous le faire traditionnel en le mangeant à la main. Dormir chez l'habitant c'est adorable mais épuisant.

Le couscous de Fatima, une tuerie
Et un énorme petit déjeuner aussi

Merzouga est une ville aux portes du désert, devant sa grande dune l'Erg Chebbi de 35km de long sur 5km de large. On n'est pas encore vraiment dans le désert mais ça y ressemble beaucoup. Statistiquement, il y a plus de chances de toucher l'Euromillion que de trouver de la pluie a cet endroit de la planète juste le jour où on décide de le visiter. Les locaux pensent que la dernière fois qu'ils ont vu la pluie c'était en 2015 mais ça ne tombait pas aussi fort qu'aujourd'hui. Tous nos rêves de trek a chameau, de levers de soleil sur le sable blond et de jeux d'ombre et de lumière sur les dunes sont noyés dans cette eau que l'infortune nous envoie généreusement sur la tête.

Merzouga bien imbibée avec sa d'une au fond

Nous décidons l'après-midi même de notre arrivée, en préambule à notre trek à chameau, bivouac dans le desert et tout le tralala de faire un tour à pied dans les dunes. Cette pluie qui nous déçoit tant enchante les habitants. D'une part parce que la terre en a besoin, d'autre part parce que toute cette eau à durci le sable en surface et transformé les dunes en un véritable terrain de jeu pour les locaux. Ils sont tous là, qui a vélo, moto, quad ou 4x4, défigurant à grands coups d'accélérateur les paysages vierges qui avaient peuplé nos rêves.

Jolie balade à pied dans les dunes
Où les locaux s'en donnent à cœur joie sur leurs engins

Pour notre balade dans le désert pas moyen de faire autrement que de jouer les touristes, mais ça nous va bien. On s'imagine déjà en caravane de chameaux, traversant les dunes pour retrouver notre bivouac fait de tentes berbères, isolées au milieu d'un océan de sable. Il n'y a pas grand monde en cette fin novembre et le ciel est légèrement nuageux alors on se décide.

La fine équipe prête à la grande chevauchée dans le désert.

C'est sûr qu'ils nous ont refilé de vieux chameaux avec les amortisseurs pétés. Après deux kilomètres de tape cul, prêts à rendre leur petit déjeuner, Janine Evelyne et William jettent l'éponge et demandent à Mustapha, notre jeune et élégant chamelier berbère de continuer à pied. Je tiens héroïquement un kilomètre de mieux, mais j'ai les adducteurs en boullie et le coccyx en compote. Les Touaregs doivent naître avec une anatomie adaptée au chameau sinon c'est pas possible.

Quand j'ai résiste jusqu'à la limite

Après cette séance de torture nous expliquons a Mustapha que demain nous ferons le retour à pied. Il accepte avec un sourire légèrement figé qui veut dire qu'il est payé pour nous conduire a dos de chameau. Le bivouac berbère est exactement comme nous l'avions imaginé, à part qu'il est entouré de dizaines d'autres qui heureusement sont vides. Comme toujours nous sommes attendus et accueillis avec le thé sur la dune.

Notre camps retranché berbère
Balade de l'après-midi jusqu'au sommet de la plus haute dune

Le soir après un délicieux tajine, feu de camp sous les étoiles et concert de percussions produit par nos guides, qui décidément savent tout faire.

Une très bonne soirée sous les étoiles

Ici pas question de louper le lever du soleil sur le désert. A 7h40 il faut être sur la dune pour le clou du spectacle paraît-il. J'avoue que c'est bluffant. Le ciel passe par une multitude de couleurs totalement irréelles au fur et à mesure de la montée de l'astre, et la légère couche nuageuse ne fait que sublimer le spectacle. On ne résiste pas au plaisir de vous partager une grande série de photos.

Du grand spectacle  
Avec un ciel flamboyant
 Et les dunes dans leur écrin de brume

Pour le retour, les couleurs matinales et notre liberté d'action en marchant devant la caravane, nous permettent d'apprécier le décor bien mieux qu'à l'aller.

Entre brumes et soleil au petit matin
Une balade retour de toute beauté
Mustapha le magnifique chamelier berbère

Pour terminer je voulais juste vous partager une confidence. Fort de mon expérience dans le désert où je m'étais trouvé plutôt balaise en résistant au mieux à la chevauchée chamalesque, en gravissant le sommet de la plus haute dune, puis en bivouaquant au milieu du désert, je me suis inscrit au concours du meilleur Touareg. Croyez le si vous voulez je suis arrivé dernier. Incompréhensible !

Le dernier des Touaregs
Pourtant je me trouvais vachement ressemblant

A très bientôt dans le Haut Atlas avec des pistes, des paysages à tomber, du vent, un froid glacial et d'autres surprises.

J30

En sortant d'Erfoud, nos yeux pétillent encore au souvenir de ce superbe lever de soleil sur les dunes. Les deux étapes qui suivent ne servent à rien, c'est ce que nous appelons rouler pour avancer. Aller jusqu'à Tinghir, où nous avons rendez vous avec le Haut Atlas pour une symphonie en 3 mouvements ou plus, qui promet du lourd. Sur la carte le tracé se présente comme une sorte de Z retourné, orienté NE-SO. En version plus claire il s'agit de remonter la vallée de Thodra, descendre la vallée de Dades, puis remonter la vallée des Roses. Ces 3 mouvements de la symphonie devraient nous prendre approximativement une semaine. Pour le plus, ça dépendra du plus. Nous sommes encore indécis sur l'itinéraire, l'état des organismes et de la météo décideront.

Sur les hauteurs de Tinghir les premiers contreforts du Haut Atlas

Pour ce premier tronçon, nous remontons dans un premier temps les gorges de Thodra, puis continuons jusqu'à Agoudal en deux étapes. C'est en mode excités que nous donnons nos premiers coups de pédales vers le Haut Atlas et comme souvent dans ce cas, les kilomètres défilent sans que les dénivelés ne gâchent la fête, tellement nous sommes absorbés par ce qui nous entoure.

Belles couleurs sur les hauts de Tinghir

Les gorges de Thodra sont un haut lieu touristique, mais comme partout ailleurs en ce moment, nous sommes bien seuls sur la route. Bien qu'il soit encore un peu tôt dans la matinée pour avoir la lumière parfaite, c'est toujours impressionnant de pédaler au milieu de ces géants.

On se sent tout petits 
En sortant des gorges a 2000m la végétation se fait de plus en plus rare
Pour devenir pratiquement inexistante 

Finalement nous décidons de passer la nuit à Tamtattouchte où nous sommes sûrs de trouver un hébergement. Demain la journée sera plus longue jusqu'à Agoudal.

Quelques images de Tamtattouchte où les filles ont troqué du safran dans une Kasbah

Ce matin la clarté est phénoménale sur ce beau plateau, avant le redoutable col qui nous attend après Aït Hani. Les couleurs matinales rendent le relief palpable, c'est facile sous la pédale et on régale nos yeux de toute la beauté que nous offre cette nature.

Juste magique 

Le Tizi Tigherrhouzine a tenu ses promesses. Des pentes entre 9 et 12% dès les premiers mètres et aucun répit jusqu'au sommet. À ce régime, il faut arriver en haut des 2645m pour apprécier les paysages.

Le temps d'une halte à moitié col 
Contents d'être en haut 

En haut du col le froid est vif et le vent du nord qui remonte la vallée nous promet une descente glaciale. Nous arrivons à Agoudal frigorifiés et le thé brûlant offert par nos hôtes de l'auberge Afoud n'a jamais été aussi bon. Le soir un bon tajine près du poêle mais avec les doudounes quand même parce que le bois est rare dans le coin.

 Il faut toutes les couches pour la descente
Un peu de confort au milieu de rudes moments c'est pas mal non plus.

A partir d'Agoudal les choses sérieuses commencent. Quarante cinq kilomètres de piste dont 25 de montée jusqu'au Tizi Ouano à 2910m. Ensuite ce sera la descente vers la vallée de Dades. A 8h30 du matin, au moment où nous prenons nos vélos, non seulement la température est négative mais le vent qui nous a gelé hier et que l'on devrait avoir dans le dos a changé de sens. Avec ce vent de face le ressenti est glacial et nous savons déjà que la journée sera longue et dure.

Dans les pentes du Tizi Ouano 

Petit a petit les pentes et le soleil aidant, nous enlevons les gants puis les couches de vêtements. Dans ce type d'étape, la sensation de réaliser quelque chose qui sort de l'ordinaire par la difficulté des conditions et l'isolement du site, exalte nos sens et nous insuffle l'énergie nécessaire à la réussite de notre challenge. Malheureusement l'exceptionnel s'arrête là, parce que le côté nature grandiose n'est pas au rendez vous ce matin.

Il reste encore un peu de neige de la perturbation que nous avons subie à Merzouga
 A l'abri du vent dans la montée
 Le Tizi Ouano en vue

Au col le vent est beaucoup plus fort et le froid intense malgré le soleil. À l'abri des ruines, la soupe que nous venons de préparer surpasse le meilleur des menus gastronomiques de l'avis de nos palais.

 Besoin d'une pause au sommet

En basculant de l'autre côté du col, des les premiers coups de pédale nous comprenons que ça y est, nous avons aussi basculé dans l'exceptionnel côté paysages. Sur notre gauche l'érosion a donné naissance à un canyon aussi profond que majestueux, que nous suivrons jusque dans la vallée, c'est a dire au moins durant 20km. Du vent de face, un froid intense, une piste pourrie, mais un décor à pleurer, on signe immédiatement.

 Dès le départ le spectacle est au rendez vous
 Un œil sur le paysage et l'autre sur la piste
 Du canyon en veux tu en voilà
Du grand spectacle 

En arrivant à M'Semrir 40km après le col, nous trouvons à nous loger à l'auberge de la vallée des pommes, en même temps que Janine nous annonce la perte de son portable. Une vieille rengaine qui ne nous surprend plus. Au cours du repas, j'en parle à Brahim notre sympathique hébergeur, pour le cas où quelqu'un le trouverait dans les jours à venir. Aussitôt, une lueur éclaire ses yeux pendant que ses doigts tambourinent la table en proie à une forte excitation. On sent que Brahim a pris l'affaire en main et qu'il veut aider les français. Il me propose de partir à sa recherche demain à 5h, avant que les bergers ne sortent de leurs grottes. Je suis encore frigorifié de la descente et je regrette déjà de lui avoir parlé de ce maudit portable. À 5h30 du matin, nous sommes 3 sur les deux sièges avant d'un pick-up sans chauffage et plein de courants d'air glacés, à nous abîmer les yeux sur la piste à la lueur des phares. Mais je veux croire en l'enthousiasme de Brahim et c'est vrai que s'il est encore là on ne peut pas le louper. Au col, walou, pas de trace de portable et il doit faire moins 10 degrés. J'ai 4 couches plus bonnet tour de cou et gants, mais je grelotte tout ce que je peux et je n'arrive plus à lutter contre le froid. A 9h je suis de retour à l'auberge, bredouille, tremblant, et le moral dans les chaussettes. Nous reprenons la route à midi. Je sais que l'étape avec les gorges de Dades sera belle, mais le coeur n'y est pas.

 Nouveau Canyon après M'Semrir
 La tortue des gorges de Dades porte bien son nom
 Beau à en mourir
 L'entrée des gorges de Dades
 Les lacets qu'il vaut mieux descendre
 Dans les gorges de Dades

En sortant de Kelaat M'Gouna pour la remontée de la Vallée des Roses nous entamons notre sixième étape sans repos dans la Haut Atlas. Malgré le passage polaire dans le Tizi Ouano les organismes tiennent le coup, et j'ai bien récupéré du froid de la virée en pick-up. Cette remontée de la vallée des roses est un régal parce que les conditions sont très favorables et les paysages, une fois de plus superbes.

En remontant la vallée des roses direction Bouteghrar 
 Petite pause pour profiter des paysages

À Bouteghrar comme nous bénéficions d'un très bon hébergement, nous décidons de prendre une journée de repos. D'une part parce que nous en avons besoin, d'autre part parce que les conditions météo sont très incertaines, avec la neige qui devrait s'inviter dans les jours à venir. C'est ici également que commence le plus de notre symphonie avec des décisions qui dépendront de la météo puisque nous avons 2 passages à 3000m dans l'une de nos options.

Bien installés à la Kasbah Chems à Bouteghrar pour une journée complète de repos

Trops contents de nous reposer, sauf William qui n'en a jamais assez et a accepté l'invitation de Mohamed pour une journée VTT dans les montagnes environnantes. C'est l'occasion de vous présenter nos amis de voyage. Nous avons rencontré William et Evelyne en Amérique du Sud un peu après Mendoza. Comme le courant passait bien nous avons continué ensemble, en fonction de nos envies, jusqu'à Ushuaia. Puis nous nous sommes retrouvés en 2020 sur les routes du Verdon, et au printemps 2021 en Espagne et maintenant au Maroc.

 Toujours un plaisir de voyager avec nos amis

Notre Mohamed, féru de Trail, VTT et autres activités d'endurance qu'il partage sur la toile avec son application Strava, ne savait pas les risques qu'il prenait en invitant un petit vieux à une partie de manivelles.

William, c'est le genre de gars qui paie pas de mine. Tu le croises dans la rue tu lui donnerais presque ton bras pour traverser la chaussée. Par contre quand la machine se met en route, c'est une toute autre histoire. C'est un peu comme la deux chevaux avec le moteur de Ferrari. Sur le vélo, si tu te risques à remonter à sa hauteur c'est une journée de souffrance qui se prépare pour toi. Jamais faim, jamais soif, jamais froid, jamais chaud. T'as l'impression de rouler avec un martien.Toi, au gré des kilomètres et des heures de pédalage, tu as enlevé des couches, tu en as remis, tes traits sont marqués par l'effort, le visage collant de transpiration et tu as bu ton litre et demi d'eau. Lui il est dans la même tenue qu'au départ, frais comme une rose et il te propose sa gourde. Parce que William il fait pas partie des méchants extra terrestres qui veulent envahir notre planète et montrer leur supériorité à coups de baïonnette laser paralysante et de désintégrateurs à fusion cosmique. Non, William il est de la galaxie des gentils. Toujours attentionné, toujours prévenant, toujours à l'écoute des autres, modeste et discret, il est certain que l'humain est bon et que la vie est belle. C'est simple, son seul défaut c'est de ne pas avoir de défauts. Ah si pardon. Il adore les raccourcis. Dès qu'il peut il ne résiste pas à la tentation de couper les tracés, et en montagne ça se traduit toujours par des courbes de niveau positives qui s'enchaînent. À ce moment là tu le détestes vraiment. Mais tu ne peux même pas l'engueuler il est trop loin devant.

Notre sympathique Mohamed s'est fait prendre au piège et nous a promis que plus jamais ça.

 William l'homme venu d'ailleurs

Au départ de Bouteghrar c'est officiel, la neige est annoncée avec 90% de probabilités pour le lendemain. Hors de question de passer à 3000 sans issue de secours. Heureusement, Mohamed nous a concocté un itinéraire de choix avec une première nuit chez les nomades dans les grottes et une deuxième nuit dans un gîte de montagne tenu par un guide. Cette option nous offre la possibilité soit de continuer en altitude selon la couche de neige tombée, soit de redescendre dans la vallée.

 Dans les villages nous sommes l'attraction des enfants complètement fanas de nos vélos

Quinze kilomètres après Bouteghrar nous dépassons le dernier village, le goudron s'arrête, et l'impression de vivre de nouveau des moments hors du commun est bien présente. Nous sommes seuls sur un immense plateau et roulons à la rencontre des nomades.

En route à la rencontre des nomades
Sur un grand plateau en altitude 
Où le passage des véhicules se fait de plus en plus rare 

Pour ne rien cacher ça aurait pu être une super expérience, mais nous sommes tombés sur la trouble fête du coin qui ne pensait qu'à notre porte monnaie au lieu de respecter les règles d'hospitalité coutumières dans ces contrées. A force de baragouinages, notre vilaine nomade avide de dirhams nous conduit à une grotte inoccupée, balaie quatre crottes de chèvre avec un buisson et nous fait signe d'abouler le flouze. Nous enfourchons aussitôt nos vélos et laissons la méchante sorcière plantée là, pour aller camper dans le lit de l'oued asséché.

Opération tragi-comique avec notre nomade trop intéressée

Cette fois ci pas d'erreur. Après un petit dîner à 18h façon EHPAD (chacun s'y prépare à sa manière), un brin de causette autour du feu avec des bergers, au lit avec 4 couches plus doudoune, caleçon long mérinos plus pantalon, bonnet et chaussettes. La recette pour ne pas périr de froid quand on n'a pas un duvet adapté.

 Mieux que dans la grotte finalement
Avec feu indispensable à cette altitude 
En compagnie des bergers 
 Qui nous apportent le plateau de thé avec pain chaud et huile d'olive le matin. Adorable.

Plus que 29km pour rejoindre le gîte de montagne que Mohamed nous a indiqué. Sauf imprévus l'étape devrait aller vite et il vaut mieux, parce que la dépression est annoncée dans l'après midi. Nous roulons une partie de la matinée sur ce grand plateau jusqu'à rejoindre la piste principale. A part la trace que nous suivons tout est totalement vierge, mais ça roule plutôt très bien. C'est le pays des bergers nomades et nous croisons souvent leur campements, soit fait de tentes avec bâches et plastique, soit des grottes creusées à même la roche.

 Les belles couleurs matinales
 Et un bonheur absolu de rouler dans ces paysages
 Dans le grand calme avant la tempête

Aussitôt quelques maisons passés ça commence à sentir le roussi. La piste se dégrade de plus en plus et le vent s'est levé, nous obligeant à pousser les vélos régulièrement. Arrivés sur ce qui est donné pour la piste principale, nous nous pensions sauvés mais c'est encore pire. Plus on pousse et on passe des ravines moins on comprend. Cette piste est donnée sur la carte comme route provinciale, mais tout un tronçon de plusieurs kilomètres a été emporté par le ruissellement et on se trouve face à un véritable chaos de pierres et ravins.

Quand les choses se compliquent 
 Et que les galères commencent
Les malices du Haut Atlas 

Après 5km de poussette nous sommes descendus dans la vallée.Il ne nous reste plus que 9km dont 4 de montée pour arriver à notre gîte mais la partie est loin d'être gagnée parce que le vent est de plus en plus fort. Le ciel est parfaitement bleu mais sur les cimes de gros nuages s'amoncellent et engendrent un vent qui descend la vallée en tempête. Nous n'arrivons plus à rester sur les vélos tellement les rafales sont fortes dans un premier temps, puis très vite il nous est impossible de pousser les vélos face au vent alors qu'il ne nous reste que 3km pour arriver au refuge. Même la Patagonie ne nous jamais donné une telle correction.

 Masques et lunettes indispensables pour se protéger de la poussière soulevée par le vent.
 Finale en apothéose

Un camion nous épargnera un ultime calvaire de 3km jusqu'au gîte. Au lever les sommets sont tout blancs et les routes d'altitude coupées. La neige nous aura chassé du Haut Atlas, alors cap sur Ouarzazate.

Les voyageurs avec les chèvres et sacs de céréales, les vélos avec les bouteilles de gaz et roule ma poule 
 Superbe accueil de Brahim dans son gîte de montagne
Et un méchoui royal pour se consoler a Ouarzazate

À Ouarzazate nous apprenons que les deux vols que nous avions réservé successivement, l'un vers Toulouse 2 jours avant les annonces des autorités marocaines, l'autre vers Barcelone aussitôt après, sont annulés. Il nous reste encore une possibilité vers la Suisse, alors nous prenons un vol vers Genève. On tient à finir notre voyage. Dans la foulée je reçois un message de Brahim notre enquêteur spécial du Haut Atlas. "Richard j'y loucalisé li tilifon di Janin cit oun bergé qui la trové. Vien l'y cherché". Énorme Brahim qui a mis en route le téléphone arabe bien plus efficace que nos GPS localisateurs en plein milieu de la montagne. Location de voiture, 400km aller et retour et le miraculé des montagnes et éternel fugueur retrouve sa propriétaire... jusqu'à la prochaine escapade de ce petit coquin.

Le rituel du thé chez Slimane le frère d'Ismaël le berger qui a trouvé le portable
 Slimane et Brahim avec le miraculé
Un énorme merci à Brahim 

Après toutes ces péripéties l'Anti Atlas nous attend, alors à bientôt dans un prochain épisode.

Bon ski a tous !

J40

L'intermède Ouarzazate nous a bien ressourcés malgré le voyage express dans le Haut Atlas, et Janine a retrouvé le sourire en même temps que son portable. Nous préférons oublier pour l'instant les restrictions aux frontières imposées par les autorités marocaines, pour profiter à fond de l'Anti Atlas qui clôturera notre périple Berbère. Mais nous ne pouvions pas quitter Ouarzazate sans passer par le très célèbre ksar Aït ben Haddou inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Des ksour nous en avons vu beaucoup depuis que nous sommes dans le sud marocain. Mais ces habitats en terre sont la plupart du temps abandonnés sur place, et leurs ruines côtoient maintenant les habitations contemporaines en ciment et parpaings, gâchant singulièrement l'architecture traditionnelle. Le ksar Aït ben Haddou est non seulement parfaitement conservé, mais son implantation à flanc de colline avec son agadir au sommet est une belle illustration d'un village traditionnel du XVIII siècle qui à servi de décor à de nombreux films.

 Il ne manque plus que Daenerys Targaryen conquérant Yunkai 
Et Gladiator entrant dans l'arène 

Un petit saut en bus histoire de se rapprocher de l'Anti Atlas, parce qu'entre les promenades en voiture, les visites, les jours de repos et le retour anticipé qui nous pend au nez pour cause d'Omicron, nous craignons vraiment de ne pas pouvoir boucler ce dernier tronçon. En sortant de Tata passage à la boulangerie pâtisserie sous prétexte de prendre du pain pour l'étape, mais en fait nous sommes accro aux pâtisseries marocaines. Impossible de passer devant sans se coller à la vitrine, les yeux écarquillés, déglutissant toute la salive qui envahit nos palais et sachant déjà que tous nos raisonnements sont peine perdue parce qu'immanquablement nous franchirons la porte pour déguster ces délices. Il faut dire que les marocains sont des artistes du pétrissage, des virtuoses de l'enrobage, des prodiges du glaçage, des spécialistes du nappage, des magiciens de la pâte feuilletée, des experts de la pâte sablée, les maîtres de la pâte sucrée, les rois de la poche à douille, les princes de la praline, les seigneurs du sabayon, les poètes de la frangipane, les ténors de la dorure, les champions de la ganache. Oh! mais voilà que je m'emballe. Serait ce les lectures de l'illustre San Antonio qui déteignent sur moi? J'ai la prétention de le croire. Mais revenons à nos pâtissiers Marocains qui poussent le vice jusqu'à nous proposer toutes ces merveilles pour quelques dirhams. Pensez vous qu'ils soient les coupables de nos maudites tentations? Non! La vérité vraie (dixit Brahim), c'est que c'est la faute de William et Evelyne, qui profitant de nos faiblesses, ont réussi à entraîner deux enfants de la Bigorre élevés à la garbure et au gras de canard, dans une honteuse débauche de douceurs.


 Celle là n'était pas mal

Cette première étape dans l'Anti Atlas, c'est comme un nouveau voyage qui commence après notre arrêt à Ouarzazate. La température est douce, le soleil nous accompagne, le décor est nouveau, nous sommes tout contents de remonter sur les vélos et, implicitement, chacun prend de la distance avec les autres pour déguster égoïstement ce moment de plénitude où l'équilibre entre effort et satisfaction est absolu.

Tu as envie de quoi aujourd'hui?  Exactement ce que je fais, juste pédaler là où je suis 
Et toi ? Moi ? Pareil ! 
Et vous?  Oui nous aussi! 

Cette planète que nous essayons de découvrir et de comprendre à notre manière, nous offre en cet instant, une tranche de vie que nous savourons avec délice. Dans les paysages que nous traversons la terre s'est mise à nu pour exhiber ses rides que les années ont façonné méticuleusement et, contrairement à nous, simples humains, il nous est forcé d'admettre que les affres du temps accentuent encore sa beauté.

Les rides de beauté de notre planète 
S'exhibant à vue... 
Ou se cachant derrière les oasis 
 Ici même avec une circulation de véhicules très faible, la route n'est pas dépourvue de risques

L'Anti Atlas c'est aussi le contraste de cette terre aride et pelée, côtoyant des oasis verdoyants pour peu qu'un oued passe dans le coin.

 Nous sommes sous le charme des oasis et imaginons le refuge de fraîcheur qu'ils doivent constituer l'été

A Tagmout nous nous sentons comme en vacances. Le charme de cette étape de reprise ajouté à l'excellent accueil d'Omar notre hôte du gite Tagmout, bien posés au milieu d'un oasis où nous passons la fin d'après midi en short et tee-shirt, tout est propice à une baisse de vigilance qui pourrait nous être fatale. Parce que je pressens que derrière son emballage en papier cadeau, l'Anti Atlas peut nous réserver des surprises musclées qui pourraient ne pas correspondre à nos aspirations du moment. Je garde même en tête les mots du professeur de lettres-hébergeur de Tata qui nous assurait qu'il valait mieux louer une voiture pour passer le col entre Tagmout et Ingherm. Au terme d'une belle partie de manivelles nous réussissons tout de même à gravir ses 1800m, aidés par les jolis paysages que le coin nous propose, mais en se disant que notre professeur n'avait pas totalement tort.

Gîte Tagmout, une belle pause et un bon accueil 
Vous remarquerez la technique très personnelle de Janine pour terminer les cols 

L'Anti Atlas ce n'est pas réellement la haute altitude, mais on joue aux montagnes russes en permanence et en fin de compte les dénivelés sont conséquents. Il faut se faire violence pour arriver au bout de nos étapes parce que nous nous sommes mis inconsciemment en mode vacances anticipés, contemplateurs de paysages, preneurs de bon temps et autres états de béatitude.

Ne jamais sous estimer l'Anti Atlas 


 Il se mérite

Le hic de ce coin du Maroc c'est que l'absence de tourisme plus les deux années de pandémie en on fait un désert d'hébergements. Et comme nous nous sommes habitués à un confort relatif dont on n'arrive plus à se passer (faut pas trop attendre quand même des hôtels de montagne), c'est la croix et la bannière pour se loger. A Igherm, la chambre que nous avions réussi à dégoter d'extrême limite n'était déjà pas au goût de nos deux gazelles. Faut dire que le seul point d'eau de l'établissement est un lavabo au fond du couloir qui n'à pas reçu un coup d'éponge depuis Mathusalem, à la condition qu'il soit passé dans le coin ce dont je ne suis pas totalement sûr. L'eau est évidemment glacée et il fut un temps où il y avait une porte comme en témoignent les gonds sur le montant, mais c'était une autre époque. Quand à la literie il vaut mieux ne pas regarder et sortir nos sacs à viande et duvets illico. Mais le summum nous l'avons connu à Aït Abdellah. Au café Anmougar où nous quémandons un coin pour dormir, plusieurs habitués se frottent déjà les mains parce qu'un européen qui ne sait pas où passer la nuit est prêt à aligner les dirhams à coup sûr, allah akbar. Après nous avoir fait poireauter un bon moment, c'est la tournée de la cour des miracles, avec des propositions que nous avons du mal à classer entre la tanière d'un putois et un abri poubelles en plein soleil. De mémoire de cyclo-voyageur jamais nous n'avons vu pareils taudis, et quand nous demandons le prix par curiosité, notre apprenti hébergeur nous annonce avec assurance 40€. Le prix d'un Riad dans le haut atlas. Bon, finalement nous changeons de quartier et nous rencontrons Ali qui nous propose l'arrière salle de son café. Il a même la délicatesse d'aligner 4 chaises faisant barrière pour que l'on se sente vraiment chez nous.

 Hébergés comme des rois chez Ali

Au dernier moment, comme nous avons un peu de temps devant nous, nous décidons de faire un crochet par Tafraoute. Il paraît que c'est un bel oasis où il fait chaud, avec plein de choses à voir comme les gorges d'Aït Mansour, les roches peintes ou les greniers collectifs.

Tafraoute au bout de la vallée avec une belle descente en perspective et de la chaleur assurée  

La nouvelle tombe à peine installés dans notre hébergement de Tafraoute. Le vol Agadir Genève est annulé, la fermeture des frontières est totale jusqu'au 31 décembre, et tous les vols de rapatriement sont soumis à autorisation. Là les amis, on fait moins les malins. Ce n'est pas que la perspective de passer les fêtes de fin d'année au Maroc nous effraie, mais nos lectures nous donnent à penser que la pandémie est partie pour durer. Alors passer l'hiver au soleil quand la neige est déjà présente dans nos montagnes serait une erreur impardonnable. Dans la foulée la compagnie aérienne nous confirme qu'ils n'ont qu'une visibilité à deux jours seulement, et qu'il vaut mieux rejoindre Agadir fissa fissa si l'on veut assurer le coup. C'est ainsi que les 4 ou 5 étapes vélo qu'il nous restait se transforment en 7 heures de bus. Adieu la route des greniers collectifs (Agadir ou Igherm) que nous avions tracé minutieusement, en savourant déjà toutes les découvertes qui nous étaient promises. Pour une fois la raison l'emporte.

A peine arrivés à Agadir nous rejoignons le bord de mer 
 Pour une bonne sardinade
 Et s'offrir du bon temps en attendant notre vol

Le bilan de ce voyage écourté est plus que satisfaisant. Dans les zones de montagne nous avons découvert un Maroc que nous n'avions jamais vécu lors de nos précédentes visites, avec une population et des paysages qui donnent vraiment envie de revenir... Mais au mois 5 comme disent les autochtones.

En espérant vous retrouver bientôt,

Papypédale