C'est sûr que nous n'arriverons pas à faire le programme prévu, compte tenu de nos arrêts forcés. Cinq jours de repos c'est moins que ce que l'urologue m'avait prescrit, mais nous en avons plus que marre de nous morfondre à Baracoa. Cet hébergement ne nous attire pas et notre hébergeur ne respire pas la sympathie. Alors comme mon état s'est bien amélioré, nous décidons de faire un saut de 22km jusqu'à playa Maguana avec l'espoir de trouver un coin agréable où terminer ma convalescence. Nous arrivons directement sur le coin que j'avais repéré sur la carte. Une petite plage accessible par un petit chemin avant la plage principale qui fait la réputation du coin. Banco! tout y est comme nous l'avions espéré. Une petite plage de sable blanc bordée de cocotiers, deux maisons et le bleu de la mer. Coup de bol l'une d'elles est libre et nous sommes parfaitement installés, dans un calme absolu et entourés de cocotiers, avocatiers, et arbres à fruits de la passion.
El rancho, une pergola toujours indépendante de la maison est une tradition cubaine. Elle bénéficie de la plus belle vue, et c'est ici que se prennent les repas. A l'heure du petit déjeuner, à base de fruits et jus de fruits divers, l'instant est magique avec les couleurs chaudes du soleil levant. C'est notre moment préféré.
Pour ne rien gâcher Carlitos, notre logeur est pêcheur. Non seulement il m'invite à une partie de pêche, mais nous assure en plus la langouste du soir.
Nous quittons à regret notre petit paradis direction Moa, où nous prendrons un bus qui nous amènera à Trinidad en direction de la cote sud. Nous éviterons ainsi, une longue partie a l'intérieur du pays qui n'a aucun intérêt. En attendant, nous profitons au petit matin d'une magnifique route entre Maguana et Moa, au milieu de la végétation, sur une piste très peu fréquentée.
A partir de Moa les choses se gâtent. Aussitôt l'étape finie, nous enchaînons trois heures de collectivo jusqu'à Holguin, puis une nuit de bus jusqu'à Trinidad, où nous arrivons au petit matin, les yeux pas vraiment en face des trous.
Trinidad est une belle ville coloniale aux maisons colorées et rues pavées. Malheureusement la concentration de touristes est effrayante et de ce fait, la pression commerciale à la cubaine l'est aussi. A peine descendus du bus les sollicitations s'enchaînent, et on ne nous lâche pas d'une semelle. Hébergement, restaurant, souvenirs, on veut tout nous vendre. Même le barbier, à l'affût devant sa porte, t'invite à t’assoir sur son fauteuil alors que tu es rasé de près. On a beau si attendre, ça nous gâche un peu le plaisir.
Le passage à Cienfuegos, une autre grande ville cubaine ne restera pas dans nos mémoires. Une ville fondée par les français paraît il, qui ne bénéficie ni du charme de Trinidad, ni de l'ambiance de Santiago de Cuba. Mais à partir d'ici, le challenge est de taille en ce qui concerne le choix de l'itinéraire. Soit nous jouons la prudence en prenant une route sure, mais nous ne longerons la mer caraïbe que sur un tout petit tronçon. Soit nous faisons le tour de la baie pour prendre un bac hypothétique, puis suivre la côte sur une bonne trentaine de kilomètres par un chemin dont nous ne connaissons pas l'état. Si c'est du sable, nous sommes bons pour une grosse galère. Mais vous nous connaissez, l'idée d'une voie rien que pour nous au bord de la mer est trop tentante.
En entrant sur le chemin qui doit nous mener en bord de mer, nous croisons un petit homme juché sur sa carriole que tire une mule. Il nous confirme que le chemin mène bien à notre destination, et nous prédit, en regardant nos montures, de multiples crevaisons. Nous ne sommes que moyennement rassurés, d'autant plus qu'aussitôt après nous enchaînons plusieurs passages dans l'eau et la boue jusqu'aux mollets.
La suite nous fait retrouver le sourire. Le chemin parallèle à la mer, est parfaitement roulant. La végétation forme une voûte au dessus de la piste, qui nous assure de l'ombre en permanence. Sur notre gauche, une bande de mangrove d'une cinquantaine de mètres nous sépare de la mer, que nous rejoignons fréquemment par des petits chemins. La côte est sauvage déserte et superbe. Ici pas de plage, mais une eau cristalline, des fonds marins tapissés de corail de toute beauté et une faune abondante. Une multitude de poissons et coquillages colorés nous offre un spectacle permanent devant nos masques. A quelques mètres de la surface, il faut repérer les petites cavités, pour observer les langoustes, malheureusement inaccessibles à la main, accrochées au plafond et sur le parois. Nous sommes sous le charme, tout excités d'avoir réussi notre coup et nous multiplions les arrêts pour profiter de la mer. Cette étape restera, c'est certain, ancrée dans nos mémoires.
Guasasa est un tout petit hameau à mi chemin entre Cienfuegos et Playa Larga. Le seul endroit où nous pouvons espérer trouver de quoi manger et boire. Et comme nous sommes des petits veinards, nous trouvons même de quoi dormir avec vue sur la petite crique s'il vous plaît.
Ici tout le monde est pêcheur. Lorsque l'eau est au dessus de 28 degrés comme maintenant, c'est la pêche au harpon à air comprimé de fabrication locale. Je vous assure que les cartons qu'ils font sont impressionnants. Mérous géants, barracudas, pagres, tortues et même une raie de 220kg. Nous sommes sidérés devant les photos qu'ils nous montrent. Leur situation économique liée à l'inconscience de leur jeunesse, leur font faire un peu n'importe quoi il faut bien le dire. En dessous de 25 degrés ils pêchent le marlin en bateau, sans canne, juste un fil avec un appât vivant. Nous avons eu la chance de goûter, c'est un délice. Une chair dense d'une finesse absolue, le thon rouge fait triste mine a côté.
A Cuba posséder une voiture est un luxe que très peu de personnes peuvent s'offrir. Alors Yamaris, le roi de la débrouille, s'en est fabriqué une avec les moyens du bord. Une carrosserie de Land Rover, des roues de camion, un moteur de tracteur et le tour est joué. Il l'a baptisé Rikimil, (le Frankenstein local). Ce matin pour partir chasser, ses deux copains font office de batterie pour démarrer l'engin, et nous sommes rassurés parce qu'il a fait le niveau des freins avec de l'eau et du liquide vaisselle à la place de l'huile hydraulique. Yamaris et Adrian m'ont invité à une Partie de chasse mémorable. Pas de mérous dans l'escarcelle, je ne suis pas capable de descendre à leur profondeur habituelle. Mais une grosse langouste et une araignée, qui nous assurent un festin de rois le soir, accompagnés de coquillages de toutes sortes.
Nous terminons notre route sud à Playa Larga, au bout de la baie des cochons, et se poser dans une ville une fois de plus ne nous emballe pas réellement. Alors nous tentons le coup pour un bivouac 3km avant l'agglomération, en prenant un chemin qui nous amène en bord de mer. Nous longeons un alignement de maisons en bois qui font face à la mer. Sous une tonnelle trois hommes sont attablés. La monticule de canettes vides sur la table, témoigne de leur grande soif. Nous aussi, sommes assoiffés, sur cette fin d'étape. Alexis nous fait signe, il a de la bière et nous invite à camper devant chez lui. Tout va bien!
La remontée jusqu'à la côte nord ne présente aucun intérêt, comme nous nous y attendions. Par contre, l'étape à Boca de Camarioca nous réserve une belle surprise. Une maison avec cuisine pour nous tous seuls face à une petite crique. Depuis le temps que nous rêvons de nous préparer à manger, on décide direct de rester deux jours.
Plus que deux étapes et nous bouclerons la partie Orientale en arrivant à La Havane. Nous enchainerons ensuite la deuxième partie du périple pour découvrir la partie occidentale. Hasta la vista amigos!