Hello amigos!
Avant tout on voulait vous présenter nos excuses de ne pas répondre individuellement à vos commentaires sur le Parc de Sajama mais nous manquons de temps. Et oui le voyage ce n'est pas les vacances! Entre les tentations que nous avons de tout découvrir, le manque de connexions wifi et le choix que nous avons fait de faire plus de vidéos parce que nous pensons que ça apporte un vrai plus à notre voyage, nous devons parfois faire des choix. Mais sachez que vos commentaires sont précieux pour nous. Nous les attendons toujours avec beaucoup d'impatience et les lisons avec un grand plaisir. Nous les recevons comme une récompense après les rigueurs de la route et le travail fourni pour réaliser les articles. Merci beaucoup à tous.
Pour nous faire pardonner, avant d'attaquer la lecture de cet article, on vous met une petite vidéo sur le parc de Sajama que nous n'avions pas eu le temps de monter lors de la publication de l'article concerné.
Nous partons de Sajama et ça y est, après de nombreuses hésitations Janine a décidé de se lancer sur l'itinéraire le plus beau, mais aussi le plus exigeant et le plus isolé pour rejoindre Uyuni. Il s'agit de 460km uniquement sur pistes et salars, avec seulement quelques hameaux et deux villages où nous trouverons de quoi nous loger et de la nourriture. Nous avons prévu de faire ça en trois secteurs de trois étapes chacun, avec un jour de repos entre chaque secteur. C'est bien gonflé de sa part compte tenu de son manque d'expérience sur ce type de terrain, mais le challenge ne nous promet que du superbe.
Secteur 1 Sajama-Sabaya: C'est plus beau sous la torture.
Le temps n'est pas encore au beau fixe mais nous pouvons enfin quitter Sajama avec encore de la neige aux alentours et une piste dégagée. A 7h30 la température est négative et nous devons traverser pas mal de petits ruisseaux pris par le gel. Lorsque la glace de l'un d'eux cède sous mes roues, j'évite le plongeon de justesse et me retrouve dans l'eau jusqu'aux mollets. On pourrait démarrer mieux mais ça donne le ton pour ce qui nous attend. Nous remontons, sur le bout de route qui mène au Chili, la longue file de camions qui attend que le col soit dégagé, nous tournons à gauche après quelques kilomètres, et à nous la piste et la solitude.
La première étape nous conduit à Macaya, un des hameaux perdus au milieu de cette immensité. Le vent souffle fort et nous sommes bien décidés à trouver un abri plutôt que de monter la tente. Nous tentons le poste militaire sans succès, puis quelques villageois qui nous ignorent. En dernier recours nous nous postons devant l'école pour attendre que la classe se termine. Bonne pioche, Fabiola est séduite par les deux voyageurs à vélo qui viennent découvrir son pays et nous ouvre une pièce pour la nuit. Pour nous, c'est la vie de château. Nous sommes à l'abri, il y a de l'eau, l'électricité, une table et des chaises et même un gros tapis de gym pour dormir. En contrepartie, Fabiola nous demande de "hablar con sus ninos" pour raconter notre voyage. Pas de problème, ça nous fait même plaisir de passer une heure avec les enfants d'un village où il n'y a ni réseau téléphonique ni télévision.
Le lendemain nous découvrons au petit matin la lagune de Macaya, avec ses flamands roses et pas mal d'autres oiseaux. Une belle surprise et un grand moment de bonheur avant de se frotter à la dure réalité de ce qui nous attend jusqu'à Sabaya.
La neige tombée ces derniers jours a bien fondue sur l'Altiplano et les nevados aux alentours. Du coup nous trouvons plein de petits ruisseaux et parfois carrément des rivières en travers de notre chemin, qui nous obligent à des contournements ou des traversées épiques.
Ensuite la piste nous a meurtris durant deux jours. Pas un moment de répit entre sable, cailloux, boue et surface de la piste en tôle ondulée laissée par le passage répété des 4X4. Pour ceux qui ne connaissent pas, ça vaut le coup de tenter l'expérience, juste pour voir ce qu'il ne faut jamais faire. Imaginez vous à califourchon sur un marteau piqueur et partez vous promener avec ça. Au bout d'un kilomètre vous avez toutes les articulations en bouillie, des idées de meurtre vous passent par la tête et juste envie de trouver un ravin pour jeter le vélo. Janine trouvait même qu'avoir des seins animés c'était pas très rigolo. Au demeurant le porte bagage de Janine n'a pas supporté le régime et les deux vis inférieures se sont sectionnés dans le cadre. Pour corser la chose nous avons droit sur la dernière étape à un interminable ballet de 4X4 avec des chauffeurs imbibés comme ce n'est pas possible, qui vont d'un village à l'autre pour les fêtes de San Isidro. Nous qui cherchions la tranquillité nous sommes servis.
Avec la réparation du porte bagage de Janine au scotch (merci Sam pour le Gorilla tape), nous avons perdu beaucoup de temps et nous sommes épuisés. Aussi, nous réalisons que nous n'arriverons pas au village prévu pour l'étape, alors il faut trouver de l'eau et un coin à l'écart de la route pour bivouaquer.
Le lendemain nous avons droit à une étape du même niveau que les précédentes, sauf les 6 derniers kilomètres avant Sabaya où nous retrouvons la route goudronnée avec un vent de dos, le bonheur absolu. Nous ne rêvons que de la journée de repos, et Janine commence à se dire que le goudron pour le reste de l'itinéraire c'est peut être moins joli, mais beaucoup moins fatiguant.
Secteur 2 Sabaya-Llica: De la terre au sel en passant par l'eau
Comme quoi un petit break ça change tout ! Toute fraîche après une journée de repos, elle est regonflée à bloc ma Janine, et elle a décidé que les salars c'était dommage de s'en passer, alors à nous la piste. Ce secteur doit nous conduire en 3 étapes à Llica, à la porte du Salar d'Uyuni, en passant par le Salar de Coïpasa. Dès la sortie de Sabaya le paysage change de nouveau. La végétation qui était déjà rare est maintenant inexistante et nous roulons dans de grandes étendues striées de traces de 4x4 qu'il vaut mieux bien suivre sous peine de goûter à la boue. Malgré tout nous avançons bien et sommes particulièrement satisfaits d'avoir choisi l'option piste, l'étape sera courte jusqu'au village de Coïpasa.
Avant d'arriver au village de Coïpasa nous devons avoir un avant goût du salar avec la traversée d'un bras de 6km. En approchant, nous sommes tout excités de voir de grands reflets à l'horizon qui ressemblent à des mirages. Est ce que le salar a cet aspect vu de loin? Non, non, c'est bien une pellicule d'eau qui recouvre le salar après le coup de neige. Un peu inquiets au début, nous prenons confiance petit à petit et sommes finalement émerveillés de rouler sur un miroir.
Nous arrivons à Coïpasa frais comme des gardons et ravis d'avoir changé d'option, d'autant plus que nous avons le contact, pour passer la nuit, de Dona Petronilla, qui est aux cyclistes ce que mère Térésa est aux pauvres. Dans sa petite gargote je trouve Petronilla affairée au repas des ouvriers qui réparent l'église et ça, c'est sacré! Cette petite femme débordante d'énergie est embêtée de ne pas pouvoir répondre à ma demande. Elle cogite en même temps qu'elle sert son petit monde et d'un coup elle a un éclair, il suffit de débarrasser la pièce où elle a stockée sa récolte de quinoa. Pas de problème ça nous convient.
Elle nous a logés, nourris, préparé le pique nique pour l'étape, donné de précieux conseils pour éviter le sable à la sortie du salar, merci mille fois Dona Petronilla et désolés de ne pas t'avoir accompagnés à la messe.
La découverte du vrai salar de Coïpasa, sans eau cette fois ci, est un moment unique et nous vivons comme un privilège de profiter seuls dans cette étendue salée, de cette nature étonnante. Sur les 40km de traversée nous ne rencontrerons personne et c'est, parce qu'il est beaucoup moins touristique qu'Uyuni, que l'itinéraire des cyclo voyageurs passe par ici.
La sortie du salar est toujours délicate. Sur "las playas", la partie entre la zone de sel dur et la terre ferme est une surface molle avec plus ou moins de boue, où il est quasi impossible de rouler. Nous pousserons un quart d'heure alors que nos copains passés 3 jours avant avaient poussé 2h. En sortant de cette zone je repère aussitôt la piste indiquée par Pétronilla, qui devrait nous faire éviter pas mal de zones ensablées. Du coup nous décidons de continuer jusqu'à Llica et de faire deux étapes en une.
Nous profiterons ainsi d'une piste de très bonne qualité durant 20km. Ensuite la chance nous abandonnera jusqu'à Llica avec du sable et de la tôle ondulée en veux tu en voilà. Les 10 derniers km ont été un calvaire pour Janine et elle a du puiser au fond de ses ressources morales pour trouver le courage de terminer les 85km de pistes et de salar. Nous arriverons à Llica à la nuit tombante, épuisés et en se disant plus jamais ça, mais riches d'une nouvelle expérience. A nous une journée de repos.
Secteur 2 Llica-Uyuni : C'est beau, mais la note est salée
Bien retapés, nous abordons ce dernier secteur avec le sourire et assez confiants. Nous allons rouler avec Hilde une jeune belge de 29 ans partie de l'Alaska, qui voyage depuis un an et trois mois et c'est bien d'avoir de la compagnie. Nous avons 10km de piste dès le départ et ensuite ce n'est que du salar. Il n'y a pas d'alternative, de Llica, 82km pour atteindre l'île d'Incahuasi au milieu du salar, puis 75km le lendemain pour sortir du salar jusqu'à Colchani et enfin 20km de route pour rejoindre Uyuni.
L'entrée du Salar est toujours délicate et avec mon vélo chargé à plus de 50kg je n'échappe pas à quelques poussettes et une belle glissade, pendant que les filles se promènent avec leurs montures légères.
Uyuni c'est le salar de Coïpasa version XXL. Une fois dedans on a vraiment l'impression d'être tout petit. Nous n'avons que très peu de repères visuels et les distances sont trompeuses. La première île en vue que nous pensions à une dizaine de kilomètres est en fait à 30km. Nous naviguons au GPS pour essayer de faire la route la plus courte, mais nous sommes obligés de faire des écarts parce que ce n'est pas aussi uniforme que l'on pensait. Nous trouvons parfois de grandes étendues inondées que nous essayons de contourner, et la surface même du salar est très changeante et plus ou moins agréable à rouler. Mais nous sommes sous le charme et agréablement surpris de rouler des heures sans voir personne alors qu'on nous l'avait présenté comme très fréquenté.
Peu à peu la surface se modifie et nous nous retrouvons sur un sol très dur, formé de sortes de grandes dalles avec une dépression aux niveau des jointures qui nous secoue presque autant que la tôle ondulée. Décidément même dans les moments de bonheur intense, la nature Bolivienne nous rappelle toujours à l'ordre.
Il est 16h30 et il nous reste une douzaine de kilomètres pour arriver jusqu'à Incahuasi. Le froid commence à se faire sentir, alors j'ouvre ma sacoche de guidon tout en roulant pour mettre mes gants comme je l'ai déjà fait cent fois. Le droit est en place et le gauche ne va pas tarder. Je pousse certainement un peu fort pour l'ajuster, et mon guidon suit le mouvement tournant brusquement. La roue avant ripe sur le sel mouillé et la chute est inévitable. En arrivant sur la surface dure, j'essaie de faire une roulade mais mon épaule cogne fort et la douleur est intense. Après quelques minutes de récupération, je sais que la jonction acromio-claviculaire est touchée et me dis que je suis le roi des idiots de tomber comme ça. Comme on n'a pas vu une voiture de la journée, les probabilités d'être pris en charge sont très minces. Il n'y a plus qu'à tenir le guidon d'une main et serrer les dents pour les 12 kilomètres restants jusqu'à Incahuasi.
Le lendemain la disjonction acromio-claviculaire de grade 3 est confirmée par le traumato, bilan, minimum 2 semaines d'arrêt. Voilà comment on prend du repos forcé pour le plus grand bonheur de Janine. Du coup on rajoute au programme le tour du désert du Sud Lipez et la réserve nationale Eduardo Avaroa sur 4 jours en 4X4, c'est reparti pour le tourisme mais au moins ça me laisse le temps de récupérer.
Pour terminer on vous laisse une petite vidéo de ces 500km à travers pistes et salars. Soyez indulgents avec nous, nous l'avons faite avec les moyens du bord et on en a bien bavé.