Pour tout vous dire Susques ce n'est pas vraiment la ville où je passerais mes vacances. Elle a beau se vouloir touristique avec son office du tourisme barricadé à double tour, qui vraisemblablement n'a pas été visité depuis belle lurette, ses affiches racoleuses et ses hostels hors de prix, elle ne nous inspire pas réellement. Si nous restons une journée supplémentaire c'est que nous avons vraiment besoin de nous reposer après cette longue étape de 119km et ces derniers jours de grand froid. Nous sommes dans un hôtel avec pas mal d'espace, du soleil (même si ce n'est pas encore les grandes chaleurs), et une bonne connexion internet. Alors on prend du temps, on se régénère au soleil et on communique avec les nôtres, ça sert à ça les étapes de repos. On fait connaissance avec David, un original d'Annecy qui voyage avec une Royal Enfield et affiche un look parfaitement adapté à sa monture. De bons moments et un nouveau personnage.
Encore deux étapes avant d'être au chaud et je vous promets, nous ne rêvons que de ça. Pour l'instant nous sommes gâtés parce que la côte de 7km en sortant de Susques nous fait bien transpirer. En haut de la côte nouvelle rencontre avec un couple Autrichien bien sympa, qui termine leurs 4 ans de voyage avec un camping car passe partout, humm.... (à méditer dès qu'on ne pourra plus pédaler), puis une descente dans un joli canyon et pour clôturer l'étape qui nous amène à Salinas Grandes, 40km interminables de plat et de route absolument droite. Dans ce cas de figure ce sont les écouteurs qui nous sauvent, avec de la musique pour Janine et des émissions de radio pour moi. Après 10km en compagnie des grosses têtes, je me retourne (oui obligé, j'ai arraché mon rétro dernièrement), et j'aperçois un petit point à l'horizon qui ressemble à la silhouette de ma moitié. Je subodore aussitôt quelque chose de pas catholique, parce que c'est une bonne rouleuse et en général elle ne se laisse pas distancer comme ça sur le plat. En arrivant à ma hauteur c'est pire que ce que je pensais. Fini la Janine de bonne humeur et souriante, elle m'explique en mode autiste qu'elle en a marre de cette route de m.....e toute droite, qu'elle a mal partout et qu'elle finit en voiture. Je lui fais remarquer qu'on n'en a pas vu depuis un bon moment, et m’apprête à immortaliser cette délicieuse séquence par une petite vidéo. Ce que je vois dans le viseur juste au moment où je vais déclencher la camera me donne à penser, que si je ne veux pas prendre un coup de boule casqué, qui en même temps de me faire très mal détruirait mon appareil photo tout neuf, il vaut mieux que j'arrête de provoquer. Tant pis, vous ne profiterez pas de cette croustillante scène de vie, mais vous avez la preuve que le voyage des tourtereaux n'est pas toujours un long fleuve tranquille.
Salinas Grandes c'est l'attraction touristique du coin, un salar que la route goudronnée traverse et qui permet aux voitures de stationner en bordure pour la séance photo traditionnelle. Nous, nous sommes plutôt à la recherche d'un coin pour dormir à l'abri parce que, qui dit salar, dit grand froid la nuit. Nous avons retrouvé Hilde et nous négocions en deux deux la maison à touristes pour la nuit, bonne affaire tout gratos.
Il fait encore bien frisquet le matin lorsque nous traversons le salar en direction de Purmamarca, mais le moral est au beau fixe. La perpective de descendre à 2400m et de retrouver la chaleur nous donne des ailes même si nous devons grimper une dernière fois la côte de Lipan jusqu'à Alto Elmorado à 4200m, pour enfin plonger dans la grande descente de 37km jusqu'à Purmamarca. Sur les derniers des 20km de montée notre ami Eole nous rend une petite visite qui nous complique bien la tâche lorsque les lacets de la route nous mettent face à face. Les 37km de descente que j'attendais tant sont un peu gâchés par la force du vent qui arrive à arrêter notre vélo en pleine descente lorsque nous l'avons de face, et nous crée de grosses frayeurs dans les virages lorsque nous l'avons de travers. Le paysage est magnifique, nous descendons dans un canyon perpendiculaire à la Quebrada de Humahuaca et profitons de ce joyau inscrit au patrimoine mondial de l'humanité. Nous enlevons des couches au fur et à mesure que nous descendons dans un environnement très aride. La végétation est essentiellement composée de cactus et la roche est découpée, torturée par l'érosion en multiples canyons et révèle des formes et des couleurs étonnantes que nous ne nous lassons pas de photographier.
Maintenant il est temps de parler de nos vacances que nous ne passerons pas en Argentine. Nous prendrons un avion le 13 septembre pour retrouver Samuel, Juna et Anaïs à Rio de Janeiro où se déroulent les Championnats du monde de Canoë Kayak. Deux semaines à profiter au chaud et au bord de la mer de notre petite fille, puis une semaine supplémentaire tous ensemble après les Championnats du monde, à l'extérieur de Rio et toujours au bord de la mer, ça va nous changer la vie avant de reprendre les vélos pour terminer notre périple.
Pour l'instant nous avons le temps. Nous ne sommes qu'à 150km de Salta où nous décollerons le 13 septembre, alors nous allons chercher un coin pour nous poser et découvrir en mode léger ou en bus, les nombreux sites de cette spectaculaire Quebrada de Humahuaca qui vraiment nous enchante. En route vers Purmamarca et sa fameuse montagne des 7 couleurs que nous flairons un peu trop touristique à notre goût. Une balade de 3km le matin avant l’afflux des touristes suffit à notre bonheur pour découvrir une variété de formations rocheuses érodées par l'eau et le vent et colorées à souhait. L'accès payant au promontoire bourré de monde pour photographier la montagne des 7 couleurs nous fait beaucoup moins rire. L'habitude locale qui consiste à faire payer systématiquement l'accès aux sites naturels sans aucun service en retour, nous sort un peu par les yeux. Alors je mets mon masque de rebelle et je fais le tour du dôme à péage pour pendre mes clichés peinard tout seul.
On s'est promis de flâner, alors on flâne. A la sortie de Purmamarca nous remontons vers le nord c'est à dire juste à l'opposé de notre itinéraire, mais c'est pour mieux découvrir cette Quebrada de Humahuaca qui nous tente tant. La quebrada de Humahuaca c'est une profonde vallée de type canyon qui s'étire sur plus de 150km sur un axe nord sud, avec au fond le Rio Grande de Jujuy, à sec en hiver mais coulant abondamment en été. Le climat est très aride avec une végétation composée en très grande partie de cactus. Les paysages sont d'une grande beauté, avec des roches sculptées par l'érosion qui offrent des formes surprenantes aux multiples couleurs et le patrimoine culturel est d'une grande richesse. Nous sommes conquis et curieux de tout découvrir, alors nous remontons tranquillement cette vallée sans savoir encore où nous poserons notre barda. A Maimara le canyon commence à vraiment se révéler et nous y passons une nuit, mais la ville ne nous tente pas.
Le lendemain nous faisons un tout petit saut jusqu'à Tilcara est nous sommes tout de suite convaincus que c'est ici que nous poserons nos valises. La ville est sympa et l'hostel de la Casona de Albahaca, une grande maison fréquentée par les voyageurs et gérée par Toni et Pablo, nous séduit par son ambiance et ses grandes pièces chaleureuses. Avec les conseils de Toni nous bâtissons le programme de la prochaine semaine pour ne rien louper. Première visite, la Garganta del diablo, moitié vélo moitié rando, et une jolie grimpette qui nous révèle, au fur et à mesure que nous prenons de la hauteur, cette quebrada qui nous fascine. Nous sommes complètement euphoriques de rouler en t-shirt sans les sacoches et nous grimpons les 500m de dénivelé comme des avions tout sourire. Ensuite petite marche en remontant une étroite gorge jusqu'à une cascade où nous vous conseillons d'amener un casse croûte pour une pause bien sympa.
Le lendemain direction Uquia, une balade de 70km à vélo pour une randonnée dans la Quebrada de las Senoritas inondée de soleil et de chaleur, puis bien conseillés par Toni, trouver un petit canyon à remonter où nous serons plus au frais et se régaler des tons ocres rouges que nous offre cette roche avec l'aide des rayons filtrant dans la gorge.
Entre les balades nous prenons du bon temps à la Casona de Albahaca. Repos et soirées, avec asados, pizzas, bières, vino tinto, musique et danses dans une super ambiance où voyageurs et équipe de l'auberge partagent rires et bonne humeur.
Iruya c'est à 3h30 de bus mais il parait que ça vaut vraiment le détour, alors nous y passerons deux jours pour prendre le temps de tout voir. Encore une Quebrada grandiose avec le Mirador de los Condores et une randonnée jusqu'à San Isidro, un petit pueblo accessible par une piste qui remonte dans le lit de la rivière, à sec durant cette période. Nous avons eu la chance de parler avec l'instituteur de San Isidro qui nous à expliqué que c'est la bonne saison pour aller le visiter, puisque durant la saison des pluies, d'octobre à mars, le village est uniquement accessible par la montagne à dos d'âne. En fait la rando dans le lit de la rivière et sous un gros soleil était bien monotone, juste égayée par les passages à gué où je guettais un petit plouf de Janine à l'occasion d'un déséquilibre, mais pas de chance, elle est en pleine forme. Même les condors nous ont snobé en nous posant un beau lapin lors de notre ascension au mirador. J'ai préféré mille fois le sentier que j'ai poursuivi durant 1h30 à partir du mirador et qui longe le grand canyon à mi hauteur de falaise et traverse plusieurs petits canyons perpendiculaires. Un enchantement qui aurait mérité une vraie rando d'une journée ou plus. Au final un petit arrière goût d'inachevé pour cette sortie de deux jours.
Nous ne pouvons pas quitter Tilcara sans aller voir la montagne aux 14 couleurs. Les photos que nous avons vues sont tellement spectaculaires que nous décidons de rester un jour de plus pour découvrir ce phénomène géologique. Manque de bol à el Hornocal à 4300m, la journée est un peu nuageuse et n'offre pas une lumière parfaite pour profiter pleinement du spectacle. Malgré tout, dame nature nous en met encore une fois plein la vue et nous restons une bonne demie heure à contempler sa générosité, tout en résistant à un vent à faire tomber les cathédrales.
Voilà bientôt une semaine que nous sommes à Tilcara et il faut se résoudre à quitter la Quebrada, d'autant plus que nous devrions retrouver à Salta Vincent et Jérémy qui ont réussi à passer par le Paso Sico. Mais nous allons descendre tranquillement en prenant le chemin des écoliers pour faire quelques détours qui nous intéressent et notamment les lagunes de Yala pour des petits bivouacs sympas en dehors de l'agitation. Et oui, la solitude, la tente, le feu de camp, ça nous manque déjà, mais cette fois sans le froid et avec de beaux endroits sans touristes.
Yala on y va juste pour voir et parce qu'on nous l'a recommandé et que nous avons le temps. Ça nous fait sortir de la route principale pour une boucle d'une cinquantaine de kilomètres et quelques centaines de mètres de dénivelé avant d'arriver à San Salvador de Jujuy, et comme nous avons retrouvé l'envie de pédaler ça nous plait bien. Arrivés en haut nous ne sommes pas déçus, un site de bivouac parfait, avec un cadre superbe et la tranquillité absolue pour une sieste au calme. Le soir nous voyons arriver un vieux combi et nous faisons la connaissance de Liss et Patrick, un couple de voyageurs Colombo-Belge avec qui nous partagerons soirée et feu de camp.
Allez, maintenant nous avons rendez vous chez Katiaa à San Salvador de Jujuy qui nous héberge pour la prochaine étape. Une grande ville avec de l'animation, des restos d'empanadas, un accueil dans une belle maison, un ciné et de nouvelles connaissances, ça tranche pas mal avec la tranquillité de Yala et c'est ce qui nous plait dans le voyage; il y a toujours du nouveau à découvrir différent de celui que l'on vient de voir. Katiaa est Française et voyageuse à ses heures. Elle est arrivée avec son vélo à San Salvador de Jujuy il y a deux ans, accueillie via le réseau Warm showers chez José, et elle est toujours là. Une belle rencontre et un super accueil avec le plein d'informations en tous genres. Depuis le temps qu'on n'avait pas fait une belle rencontre entre le Pérou et la Bolivie, ça fait du bien, mille mercis Katiaa et José.
Sur les conseils de Katiaa nous quittons Jujuy par une petite route qui certes nous fait faire un détour, mais nous évite aussi la grosse circulation des abords de toutes les grandes villes. Nous avons prévu de faire un dernier bivouac au lac de Campo Alegre. Au programme 75km et 850D+, mais comme la route 9 est un enchantement avec très peu de circulation, nous prenons un plaisir immense sur cette avant dernière étape. Une toute petite route vallonnée et tortueuse qui passe devant de multiples lacs au milieu de la "Yunga", entendez une forêt andine humide et tropicale, mais point d'humidité aujourd'hui, il fait un beau soleil et nous sommes en short t-shirt, beaucoup d'arbres sont en fleurs, (et oui c'est le printemps), et nous ne voyons pas le temps passer. Et comme les bons moments arrivent toujours en rafale (l'inverse aussi), nous tombons encore sur un bivouac de rêve. Campo Alegre est un lac avec des centaines d'oiseaux, d'échassiers, et nous avons même vu trois petits aigles se disputer un Pejerrey qu'ils venaient de pêcher. L'endroit est quasi désert mais nous avons à disposition tables de pique nique et foyer pour le feu de camp, que demander de plus.
En ce moment nous sommes à Salta et savourons le confort de cette belle ville pleine de douceur et de charme. Les places animées jusqu'à pas d'heure le soir, les magnifiques églises sur-bondées et mises en valeur par de savants éclairages, les asados de la meilleure viande qui soit à un prix dérisoire et le vino argentin qui coule souvent dans nos gosiers, nous donnent le sourire et la certitude de vivre des moments intenses. Nous avons aussi retrouvé les frangins, Jérémy et Vincent et passé ensemble des moments que nous apprécions particulièrement, d'autant plus que nous ne sommes pas surs de les revoir durant notre voyage. Bonne route Vince et Jérem, nous avons adoré rouler et vivre ces journées avec vous, et sommes admiratifs de ce que vous faites de vos vies et pour votre association. Voici le lien de leur site pour mieux comprendre leur action et les aider à sauver des vies; http://www.thebikingbrosheart.com/blog, . Nos vemos amigos!
Dans deux jours nous partirons pour Rio et nous avons hâte de retrouver Samuel Anaïs et Juna pour une coupure du voyage de trois semaines. Saurons nous toujours pédaler au retour?
A suivre, dès que la réalisatrice aura terminé son travail, une jolie vidéo pour illustrer cet article.