Carnet de voyage

Cyclotages en Asie du Sud Est

11 étapes
149 commentaires
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De l'effervescence de Bangkok à la quiétude de la chaîne des Cardamomes, des îles paradisiaques aux rives du Mékong, des marchés de nuit aux villages flottants. Remettez nous une dose de bonheur svp !
Du 3 janvier au 14 avril 2023
102 jours
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Toi:

- Alors? Il y a déjà un peu de neige non? Une belle saison de ski qui se profile!

Papypedale:

- Non on part en cure trois mois et demi.

- Oh la vache! Trois mois et demi de cure, mais ça va te coûter une blinde ça!

- Non, pas tant que ça pour un forfait multi-cures tout compris.

- Comment ça?

- Cure d'amaigrissement à coups de pédales, cure de jouvence en bougeant quotidiennement, cure de bien-être avec les massages Thaïlandais (non, pas les coquins, je te vois venir!), cure thermale dans les eaux du Mékong, cure de sommeil après les grosses étapes, cure de soleil à gogo, cure de dépaysement à travers trois pays et cure de bonheur à chaque instant. Que du bénef pour la Sécu, on retarde au maximum le moment où on la sollicitera.

- Ah oui! Vous repartez si je comprends bien.

- C'est ca!

Faites pas la gueule!

Je vous vois déjà déglutir en pensant que vous aller encore être inondés de tonnes de récits où deux zozos racontent comment ils s'amusent bien, postent des photos de visages rayonnants et de paysages superbes, rencontrent des gens formidables qui les aident, pendant que vous trimez pour payer leur retraite. Et en plus ils vont vous demander de laisser des commentaires pour les encourager, les féliciter, leur dire comment ils sont resplendissants, comment vous les faites voyager avec eux et tout le tralala. Et oui, je suis désolé mais on va encore vous demander tout ça! Vos petits mots sont notre carburant psychologique, notre source de motivation, l'essence de notre détermination. Ils nous boostent le moral et retapent nos bobos dans les coups de moins bien. Alors on compte sur vous mes chéris!

Sur le vélo il devrait y avoir du combat sur certaines portions, parce que j'ai prévu de sortir des zones à touristes pour découvrir un peu d'authentique. Et fatalement, dans les coins reculés les infrastructures routières sont moins bonnes. Nous devrions trouver de la piste, de la montagne et peu de plages. Par contre à l'étape on va se la jouer confort. Fini de jouer les aventuriers. Les soixante nuits sous tente aux Etats Unis nous ont bien calmés. La tente sera sur le vélo pour faire comme les vrais bikepackers, mais nous on va plutôt miser sur les guest house, bungalows et hotels avec clim dès que c'est possible.

Donc voilà! On vous amène avec nous pendant trois mois. Oubliez les 19° préconisés, coupez le chauffage, enfilez vos nougats dans des tongs, faites peter le tee shirt et affutez vos palais pour déguster toutes ces saveurs exotiques que la fameuse street food nous promet. Rendez vous à Bangkok le 3 janvier 2023 pour une boucle de 3500km à travers Thaïlande, Cambodge et Laos.

Lâchez vous sans modération pour les fêtes.

A l'année prochaine.

Le couple marchait d'un pas décidé le long du couloir de l'aéroport de Bangkok. Lui, l'allure athlétique, habillé d'un pantalon de sport léger et d'un t-shirt décontracté, portait à la main une sacoche bien moins conventionnelle que les valises à roulettes de la plupart des voyageurs. Il passait à première vue pour plus jeune qu'il ne l'était, mais les poches sous ses yeux et la calvitie cachée sous sa casquette trahissaient quelques printemps de plus. À cet instant, malgré son allure relax, il affichait un visage inquiet. Peut être craignait-il que le contenu de ses bagages n'ait pas résisté au voyage. Elle, cheveux blond blancs, marchait devant lui à un rythme peu ordinaire, que le commun des mortels aurait du mal à suivre. Sandales aux pieds et sac sur le dos, elle affichait l'image que l'on se fait de la force tranquille. Pourtant, à l'approche du tapis à bagages son visage reflétait la contrariété de celles qui ont oublié leur liseuse dans l'avion.

C'est y pas une jolie entame façon polar ça!

On a les personnages, le lieu, l'action et tout est rigoureusement vrai. Mais c'était juste pour rire et il est temps de revenir à un récit plus convivial.

Quand tu vois tes cartons de vélo posés au sol sous la pluie l'inquiétude te gagne
Finalement tout est bien là et c'est pas trois dents de plateau en moins qui vont nous gâcher la fête.

Je ne sais pas ce que la suite nous réserve mais après une semaine de voyage, on peut dire qu'ici c'est: "sourire à tous les étages". Ça nous change pas mal de la guerre d'Amérique.

Le sourire sur les routes

D'accord, après la nuit de récup dans un hôtel de Lang Krabang à deux pas de l'aéroport, pas moyen de couper aux 40km de 2X2 voies avec une grosse circulation pour notre premiere étape. Mais ensuite, c'est un festival de petites routes parfaites pour le vélo. Ici, l'habitat très dispersé, bénéficie d'un maillage conséquent de toutes petites voies en très bon état la plupart du temps, qui permettent de sortir facilement des grands axes et sont un enchantement à vélo.

Punition de depart, mais même dans la circulation de Lang Krabang nous ne nous sommes jamais sentis en danger.
Que ce soit à la campagne...
Le long des canaux ...
Ou au milieu des bananiers, il y a toujours une petite route pour nous éviter la circulation

La route c'est aussi l'empire du deux roues. Non, pas le vélo faut pas pousser, il fait bien trop chaud pour pédaler. Mais sur les scooters on en voit qui trimballent toute la famille belle mère compris, les poutres pour la charpente de la maison, la baignoire, des caisses enregistreuses et j'en passe. Et alors dès que ça passe au trois roues, on rentre dans le domaine de l'entreprise. Taxi pour amener les enfants à l'école, restauration rapide, salon de coiffure, animalerie etc... En tout cas ça égaye bien nos étapes.

Transport d'animaux à couvert
Janine intéressée par la gargotte ambulante

Mais ce qui anime le plus la route de Janine ce sont les chiens. Ils sont encore plus nombreux que dans nos souvenirs d'Amérique du Sud, et pour sauver sa peau les techniques différent. Jane a une prédilection pour la "giclette". Toi non plus tu sais pas ce que c'est! J'avais lu le récit d'un cyclo voyageur qui en parlait très bien. Ça fait partie du jargon des vrais cyclistes paraît il, et ça exprime la capacité à accélérer soudainement. Hé ben je peux t'assurer que Ninja a une "giclette" parfaite face aux clebs thaïlandais.

La giclette pourra t'elle sauver Janine de ces deux molosses

Le sourire des Thaïs

Nous roulons depuis deux heures et nos fesses nous rappelent qu'il est temps de faire une pause. Deux femmes sous un hangar préparent des noix de coco. À peine descendus du vélo, Lamaï et Ratana, (on va les appeler comme ça, et si tu veux savoir pourquoi j'ai pas retenu leur vrais prénoms, t'as qu'à jeter un œil à l'alphabet Thaï) nous mettent dans les mains une noix de coco avec une paille. Après on a eu droit à la glace coco, et pour finir un jus de canne à sucre sur de la glace pilée. Il y a leurs sourires, leur générosité et tout ça avec un naturel déconcertant. On avait l'air un peu bête lorsqu'elles ont poliment refusé notre argent. Le lendemain c'est en s'arrêtant à l'ombre d'un manguier que nous rencontrons Narong (je t'explique pas de nouveau hein!). Il descend aussitôt de son hamac, et nous voyant dégoulinants de transpiration nous apporte de l'eau fraîche, puis nous cueille des mangues, et enfin, des bananes. Des rencontres un peu déroutantes pour notre mentalité occidentale où tout se monnaye.

Superbe découverte de la générosité Thaïlandaise
Encore une belle rencontre

La réputation n'est pas surfaite. Toujours aimables, serviables, d'un caractère placide et surtout pas du genre a s'énerver. Si tu croises leur regard, c'est aussitôt un sourire qui se dessine sur leur visage. C'est dingue! Tu peux pas croire que c'est les mêmes mecs qui ont inventé la boxe Thaï.

Le climat qui fait sourire

La chaleur et l'humidité que nous craignions tant nous epargnent pour l'instant. En tout cas ça nous paraît moins pesant que ce que nous avons connu en Colombie ou à Cuba. Il faut dire que nous bénéficions d'un temps souvent couvert et que notre liste d'outils et astuces pour rester au frais s'étoffe. Les départs à l'aube pour bénéficier d'un peu de fraîcheur sont indispensables. La chaussette thermodynamique sur la gourde est plus que jamais d'usage. Pour les nouveaux ou les ankylosés de la cafetière, voir "les joujoux à papy" dans le carnet États-Unis. L'arrosage des maillots sur le vélo pour refroidir la viande, c'est aussi de la thermodynamique qui fonctionne impec. Mais la grande nouveauté de ce voyage c'est la glacière. Oui oui, t'as bien lu! Janine trimballe une glacière sur son vélo et te fous pas de nous c'est pas du luxe. Tous les soirs elle met consciencieusement des bouteilles à glacer dans le freezer de l'hébergement, puis elle les range le matin dans sa glacière, et voilà de l'eau fraîche pour l'étape. Même que des fois on y glisse une petite bière.

La chaussette thermodynamique que vous connaissez
La glacière magique qui sauve la vie
Le choix des hébergements en fin d'étape
Et quelques compléments rafraîchissants

La cuisine qui sourit

La grande révélation, l'énorme découverte, l'immense trouvaille, la colossale curiosité, le chef d'œuvre, c'est la cuisine Asiatique. La vraie! Y en a partout! Dans les rues, sur les places, les marchés, sur les routes, au bord des plages, dans les villes, à la campagne, tu as toujours une gargotte pour manger. Dans des boui boui d'un autre âge, les mamans qui s'activent aux fourneaux sont des artistes. Tout est préparé sur le moment, à une vitesse faramineuse et avec le sourire. Nous en sommes gagas. Elle nous transporte, illumine nos étapes, embellit nos journées berce nos nuits. Le plus difficile c'est de choisir les plats, mais de toute façon tout est bon.

Soupe aux légumes, porc croustillant et sauce d'huîtres

Pour commencer, le plat te saute aux yeux avec son harmonie de couleurs, son brillant, son relief. C'est plus beau qu'un Van Gogh, et plus vrai qu'un Cézanne.

Légumes sautés croquants et fruits de mer

Ensuite arrivent les textures. Du croquant, du fondant, du croustillant, du moelleux, du gélatineux, du fibreux, du ferme, du tendre. À ce stade, ton cerveau se demande ce qu'il lui arrive. Jamais on ne lui a demandé de distinguer autant de textures dans une même bouchée. Du coup il lâche l'affaire. Il se dit qu'il vaut mieux arrêter l'analyse et juste apprécier.


Soupe de légumes au curry vert et lait de coco

Pour finir débarquent les saveurs. Des mélanges de sucré, de salé, de piquant, d'aigre doux, de fumé, d'acide, de doucereux, d'amer. Tes papilles sont toutes retournées. Elles lèvent le drapeau blanc, jettent l'éponge, crient au secours en même temps qu'elles en redemandent. Elles n'ont jamais vécu un tel festival.

Noodles sautés, œuf, légumes, fruits de mer et noix de cajou, c'est le traditionnel Phad Thai
La tuerie des bords de route pour le matin.Riz gluant banane et noix de coco grillés dans une feuille de bananier
Et les beignets du matin en ravitaillement
Allez je craque pour une dernière. Tempura de légumes et mangue avec du riz gluant et lait de coco

Nous faisons une pause de trois jours dans un petit paradis mais on vous en parlera une autre fois.


Notre petit nid pour 3 jours
Avec la vue depuis notre bungalow d'une mer démontée

Leo phob kun mai

Tu peux pas aller en Thaïlande sans goûter au séjour sur une île, t'es d'accord !

La paillote entourée de cocotiers donnant direct sur la mer, afin que tu puisses plonger de la fenêtre de ta chambre au milieu des coraux et des poissons multicolores. On se le voyait bien comme ça nous!

Sur notre route, un chapelet d'îles nous tend les bras. On oublie Ko Chang, trop touristique, Ko Mak trop petite et flashons enfin sur Ko Kut. Et pas question de réserver notre petit nid sur des photos, on veut s'assurer sur place que tout correspond a notre idéal. A la sortie du bateau, lorsque tous les passagers montent dans des navettes affrétés par leur hôtel on commence à avoir des doutes sur notre choix. Et dès les premiers coups de pédale on est certains d'avoir merdé. D'ailleurs on pédale pas on pousse. Des pentes à 20% dans une chaleur humide et 15km à se taper dans cet enfer pour rejoindre la baie de Bang Bao donnée comme la plus belle.

On nous avait pas tout dit...

Arrivés sur place ils sont liquéfiés les ancêtres. Oublié le choix pointilleux du petit paradis. On est prêts à dormir dans la cabane du gardien, ou même à piquer la niche du chien pourvu que le supplice s'arrête. En descendant la piste qui mène à Siam Beach Resort, on prie tous les Bouddhas (tu sauras grâce à ce monument de culture qu'est devenu ce blog, qu'on en dénombrait 28 jusqu'à la semaine dernière), pour que cet hôtel soit enfin le bon. On jette des mandarines en offrande sur le bord de la route, des cacahuètes et on vide nos bouteilles d'eau. Il paraît qu'ils raffolent d'eau et de sodas mais pas de bière. On n'a pas les mêmes valeurs mais nous avons quand même été entendus. Siam Beach Resort nous propose une paillote pour trois nuits et elle répond presque à nos rêves.

Les clés du paradis

C'est vrai que la mer n'était pas assez haute pour que je puisse plonger de la fenêtre de la chambre, mais tout le reste était parfait.


Le ponton et la mer turquoise que sans ça c'est pas un vrai paradis
Un autre piège

Le supplice du hamac dans l'eau pour t'irriter les fesses, choper un coup de soleil sur le ventre et te faire un tatouage en relief dans le dos façon grillage.

La plage avec les palmiers que ça aussi c'est compris dans le forfait
Le coucher de soleil indispensable
Le massage Thaï qu'on m'a forcé à faire
Le petit tour en kayak avec visite aux poissons. Une jolie sortie.
Le restau les pieds dans l'eau pour faire classe
Et le buffet du petit dej qu'on a dévasté tous les matins.

Voilà, c'était sympa mais y a pas besoin de plus de 3 jours pour faire le tour. On laisse ce monde virtuel derrière nous pour continuer notre vie plus terre à terre.


Vous dire encore que pour le retour on a pris la navette de l'hôtel. Et aussi qu'on rentre au Cambodge dans 3 jours.


Couvrez vous il paraît que le froid est arrivé en Bigorre.

De Kokut à Battambang

En général quand tes vacances sont terminées tu fais la gueule. Nous, au contraire, on est tout contents de reprendre la route. Il nous reste trois étapes avant de rentrer au Cambodge, et nous roulons le long d'une bande côtière coincée entre la mer et la frontière cambodgienne. C'est plat et facile mais on ne trouve pas d'hébergements. Alors après dix nuits de confort dans des chambres aux lits douillets, nous décidons de revenir à la dure réalité du cyclo voyageur. Les temples sont nombreux et l'accueil indéfectible. Un grand parc arboré pour poser la tente sous la protection d'un gigantesque Bouddha, au milieu des poules, coqs, chiens, cigales et oiseaux hurleurs. On pensait dormir dans la quiétude feutrée d'un temple et on s'est retrouvé dans la ferme à Jeannot.

Nuit agitée mais sous la protection de Bouddha

A la frontière, nous obtenons notre visa cambodgien en une dizaine de minutes, y compris la négociation d'usage pour éviter la légendaire corruption sur le prix du visa. C'était pointé dans tous les récits des voyageurs, et nous sommes franchement étonnés de passer aussi facilement.

Passage du bras de mer avant Koh Kong première ville cambodgienne.

Il ne faut pas longtemps pour constater qu'ici, les services publics se limitent aux strict minimum. Le ramassage des ordures en dehors des villes est inexistant, et les déchets plastiques et autres détritus fleurissent les bords de route qui pour la majorité d'entre elles ne connaissent pas le goudron. Nous roulons souvent dans un nuage de poussière, dont la couleur diffère en fonction de la nature du sol. La plupart du temps, notre teinte rouge s'accorde avec celle de nos vélos et sacoches. Par contre nous avons immédiatement été captivés par ce peuple. Ça déborde de vie dans les villes, et dans les zones rurales nous avons du mal à répondre à tous les hello et gestes de gentillesse que nous recevons sur notre passage.

Entre Maroc et Colombie, on adore l'ambiance de Koh Kong

Ce qui ne cesse de nous étonner dans ce pays au faible revenu, c'est la légèreté des populations. Face aux difficultés matérielles ils semblent avoir développé un fatalisme salvateur et une adaptation protectrice qui préserve leur naturelle joie de vivre. C'est dans les zones rurales que les exemples sont les plus flagrants. Le long des routes nous croisons régulièrement des travailleurs agricoles, des artisans ou des commerçants. Lorsque nous essayons timidement de rentrer en contact avec eux, c'est toujours un large sourire qui nous accueille et nous invite a poursuivre l'échange. La précarité de leur situation est souvent flagrante mais la richesse du contact humain toujours présente.

Que ce soit les vendeurs ambulants
L'artisan forgeron
Les ouvriers agricoles
Les écolières
Ou la pepette à qui on vient de dépanner le vélo, tous nous gratifient du même sourire.

Battambang c'est la porte d'entrée vers Siem Reap et les temples d'Angkor, que nous visiterons plus tard. Pour nous y rendre nous avons décidé de couper à travers la montagne, dans la chaîne des Cardamomes. En partant de Koh Kong le programme affiche 120km de piste jusqu'à O Saom, au milieu de la jungle, sans croiser la moindre habitation. Sans savoir exactement où, il est certain que nous aurons un bivouac au milieu sans ravitaillement. Pour faire face aux 30 à 35 degrés que nous attendons et son lot d'humidité, plus un peu de cuisine le soir, nous avons opté pour 7 litres d'eau chacun. Finalement nous aurions pu passer avec 6.

Les mulets chargés et la piste au départ de Koh Kong

Tout de suite, nous sommes étonnés de rouler sur une piste très large, alors que les récits de voyageurs parlaient d'une petite route partiellement bétonnée et toujours très étroite. Nous comprenons très vite qu'un énorme chantier est en cours et que la route sera moins belle que prévu.

Moins authentique qu'on espérait

Heureusement, le chantier se fait par tranches. Nous alternons au fil de notre progression entre la piste nouvellement faite, la piste d'origine telle qu'on aurait du la trouver et le plus horrible, la piste en plein travaux avec sa noria de camions, bulldozers et autres pelles mécaniques, ainsi que les tonnes de poussière qui vont avec.

La piste d'origine parfois en terre
D'autres fois en béton
Avec des zones plus ou moins terminées
Et d'autres à peine commencées

A partir de 16h nous commençons à scruter les bords de route pour trouver de quoi poser notre bivouac. La mauvaise blague c'est que la forêt est absolument impénétrable, et l'histoire tragique des mines antipersonnelles que les derniers conflits ont laisse dans le sol cambodgien, ne nous incite pas trop à nous aventurer n'importe où. Une demie heure plus tard notre salut viendra des travaux de la route. Par endroits, des déviations ont été créées pour permettre la circulation des véhicules durant les travaux. Une fois ceux-ci terminés, les déviations sont laissées dans l'état et les accès bouchés par une bute de terre. Avec nos vélos, c'est un jeu d'enfant de passer par dessus la bute. Nous sommes à l'abri des regards et bénéficions d'une surface parfaitement plane. Le paradis!

Au premier abord c'est un peu intimidant mais la tranquillité est garantie
Détendue la Jane

Après O Soam les travaux nous sauvent encore la mise. À la place de la piste abominable, avec de la boue et des ornières de plus d'un mètre dont parlent les récits des voyageurs, il nous ont ouvert une large piste très facile.

Après O Soam dans les belles couleurs du matin

Après Pramaoy nous roulons dans une zone de plaine beaucoup plus habitée. Les rencontres sont fréquentes et nous avons un aperçu de l'habitat Khmer. Les maisons sont construites dans la grande majorité sur pilotis. Non seulement parce qu'en période de pluies la plaine peut être inondée, mais aussi parce que ce type de construction offre durant la saison sèche une grande surface ouverte et à l'ombre sous la maison.

Qu'elle soit grande ou petite, sophistiquée ou simple, la maison Khmer est en bois et sur pilotis

Au total 400km pour ce secteur dont 250km de piste. Content d'avoir changé de monture. La fourche télescopique, les roues de 29 et les pneus larges offrent un confort que ma vieille carcasse apprécie particulièrement.

A partir de demain visite des temples d'Angkor. Des temples à la pelle, des pierres en veux tu en voilà, des sculptures d'animaux bizarres, des arbres géants qui poussent sur les murs, des heures sous le soleil et des milliers de chinois à côtoyer. Je sais pas pourquoi j'y vais je sais déjà tout. J'espère que Angelina Jolie à planqué une photo d'elle en Lara Croft quelque part à Ta Prohm.

Ouf! J'en pouvais plus d'être sérieux dans cet article.

Il paraît qu'y a des petits (es) veinards (es) qui glissent sur des planches dans les montagnes en ce moment.

Bonne éclate

5

Et voilà! J'en vois qui tordent le museau. Qui marmonent des réprobations. Qui chiquent l'irrespect. Comme quoi cette fois il en fait trop. Il dépasse les bornes le papy à pédale.

Quoi! T'aurais préféré un insipide mais politiquement correct "Quand y en a plus y en a Angkor"? Ou un cul cul la praline du style "J'ai Angkor rêvé d'elle"? Non, franchement, tu n'y penses pas, tu vaux mieux que ça!

Et puis ici c'est le coin des âmes légères, des bouffeurs de vie, des accro de la déconnade, des fanas de la gaudriole, des fondus de la déjante. Tous les étriqués de l'esprit, les sinistrés de la marrade, les refoulés de la vie, les constipés de la poilante n'ont qu'à passer leur chemin et aller lire des écrits bien pensants. Y'en a à la pelle!

Bon cest pas tout ça, j'ai surtout une histoire à raconter moi.

Allez viens on va visiter!

Ah non, que je te dise, avant on a fait du bateau.


Nos fidèles montures gentiment amarrées pour la croisière

C'est un classique. Tous les touristes et beaucoup de locaux prennent un bateau pour rejoindre Siem Reap depuis Battambang, le long de la rivière Sangker. Parce que la route fait un énorme détour, et aussi parce que c'est joli. Le confort est spartiate, le bruit du moteur te tiendra éveillé durant les 7h de navigation, mais ça vaut quand même le coup.

La pêche sous toutes ses formes est bien sûr l'activité la plus présente sur la rivière

Dans le bateau l'ambiance est bon enfant. On passe son temps entre lecture, grignotage, sieste, bronzette sur le toit ou observation de la vie sur la rivière.

Salon de lecture

Les villages flottants sont nombreux et la vie sur la rivière est aussi intense que le long des routes.

Du bureau de poste au dispensaire, il y a tous les services dans les villages flottants

En débarquant, dix petits kilomètres et nous voilà arrivés à Siem Reap. Siem Reap c'est la ville aux portes des temples d'Angkor et ça ne ressemble en rien à ce que nous avons vu jusqu'à présent du Cambodge. La mane financière apportée par le tourisme de masse est présente partout. Les hôtels étoilés côtoient les restaurants de luxe, les supermarchés ressemblent aux notres et les illuminations en nombre donnent un air de fête permanent. Si l'on trouve encore quelques vendeurs de brochettes de poulet grillé sur leur carriole, c'est uniquement pour satisfaire la curiosité de touristes en mal d'exotisme.

Siem Reap, des illuminations, des vendeurs de souvenirs et quelques sauterelles grillées au menu

T'es prêt ? Cette fois-ci on y va pour de bon, et accroche toi ça va déménager. La visite d'Angkor c'est un peu le marathon des temples. Quoi? Tu sais pas ce que cest! Tu vois le marathon des châteaux du Médoc. Ben c'est pareil en plus long et y a pas la picole pour faire des pauses. Merde! du coup c'est plus pareil non? Bon, chougne pas t'as compris ce que je veux dire. Au programme, la grande boucle de 50km à vélo pour en faire le maximum en une journée, parce que le pass trois jours on craignait d'en savoir plus que les archéologues en sortant.


Angkor Vat

Lever de soleil sur Angkor Vat

Ça démarre à 5h du matin parce qu'il faut surtout pas rater le lever de soleil à Angkor Vat. C'est mon adjudante qui a fait le programme, moi je suis. Dix kilomètres à la pédale depuis notre hébergement et 14000 touristes qui se sont levés avant nous en arrivant sur le site. J'ai failli me trouver mal. J'étais prêt à acheter un paquet de cartes postales et retourner me coucher pour les regarder tranquillement.

Angkor Vat ça en jette de loin....

Franchement Angkor Vat c'est pas notre préféré. On y est allé pour pas froisser les Cambodgiens parce que c'est quand même sur leur drapeau national, (un peu comme si on avait la tour eiffel sur le drapeau tricolore) mais c'est trop couru, trop monumental, trop beau. C'est vrai, on nous a vendu des ruines et il est tout neuf.

Mais de près j'ai du mettre Janine pour habiller un peu
Faut quand même reconnaître qu'ils ont fait de jolis dessins sur les murs

Ta Prohm

C'est notre coup de cœur!

Ici pas de grande esplanade ni de larges allées. Il a été volontairement laissé dans un état proche de sa redécouverte au début du xxème siècle, pour que le visiteur puisse apprécier la puissance de la nature. Il est envahi par la jungle et l'effet est saisissant.

Impressionnant

La bonne surprise c'est que contrairement à Angkor Vat nous étions pratiquement tout seuls au petit matin et nous avons adoré l'atmosphère que dégagent ces ruines.

C'est vrai que le jardin n'est pas bien entretenu mais c'est du plus bel effet
Les arbres empiètent un peu chez le voisin
Et l'état de la maison laisse à désirer
Mais quelle ambiance. On s'y croirait!

Et où qu'on s'y croirait d'après toi?

Dans le décor de Tomb Raider évidemment! Pour les incultissimes des jeux vidéo (ils se reconnaîtront), trop vieux pour y avoir joué ou trop jeunes pour avoir gueulé après leurs petits enfants, c'est ici qu'Angelina Jolie à interprété Lara Croft.

Surprise!

A défaut d'Angelina Jolie on a trouvé une Lara Croft un peu vieillie, mais il paraît qu'elle fait encore des étincelles à vélo.

Une dernière pour le plaisir

Pré Rup

Ici on a à faire à un temple hindou dont la forme évoque une montagne. La structure en briques et latérite est érigée en pyramide avec des marches balaises mais on était encore tout fringants et on est montés jusqu'en haut.

Pré Rup le temple d'État du roi Rajendravarman II

Face à l'escalier central, au premier plan, le bassin ou avaient lieu les crémations. Tu remarqueras qu'à l'époque on pouvait bien profiter du spectacle de ce rite funéraire. Pas comme maintenant où on voit rien.

Janine qui s'imagine 43ème favorite de Rajendravarman II prenant le café sur son balcon le matin en contemplant son domaine

Ta Som

Nous voilà de nouveau dans un tout petit temple bouddhiste qui nous rappelle Ta Phrom. La restauration est volontairement à minima et nous retrouvons cette ambiance de pierres envahies par la jungle qui donnent un petit air d'exploration à la visite.

Superbe petit temple
Avec de jolies faces de Bouddhas...
Et l'entrée du potager super bien décorée

Après Ta Som, je sais pas toi, mais nous on est bien claqués. Alors on fait une pause sur la petite piste cyclable où jamais personne ne passe. On sort le casse croûte, on déplie les chaises, on se barbouille d'anti moustiques et c'est nickel. Moi j'aurais même fait une petite sieste mais ma minouchette d'amour a dit qu'on avait encore du boulot. Hein? Toi aussi t'es crevé! Je veux pas savoir, t'as voulu venir tu suis les ordres de la chef. Il nous reste deux gros morceaux Preah Khan et Bayon.

La chef réfléchit a la suite de la visite pendant que je prépare le casse croûte

Preah Khan

Ici c'est plus qu'un temple. L'institution aux dimensions impressionnantes combinait les rôles de ville, de temple et d'université bouddhiste. Plus de 15000 personnes évoluaient dans l'enceinte du temple entouré de douves. Moines, étudiants, professeurs et danseuses étaient nourris par une centaine de milliers de personnes des villages environnants. Ici aussi les conservateurs ont tenté de trouver un juste équilibre entre la restauration et le maintient dans l'état sauvage dans lequel le temple a été trouvé.

Le pont d'accès à l'enceinte du temple qui enjambe la douve l'entourant
La porte centrale
Face à la nature l'œuvre de l'homme est peu de chose
L'un des nombreux édifices du temple
J'adore

Bayon

Je suis sur que toi aussi il te tarde de rentrer dans la chambre, de mettre en route la clim et t'étendre sur le lit en attendant que la carcasse refroidisse. Mais moi je suis motivé à fond pour le dernier sprint. Parce que Bayon, en plus d'être un autre grand temple montagne, comporte des tours de pierre symbolisant des visages monumentaux de Bodhisattva Avalokitesvara. Autrement dit le Bouddha de la compassion ultime. Non pas pour expier mes fautes, y aurait pas assez de visages. Mais ces visages sont représentés partout dans la ville, les magasins et les restaurants. Je les trouve beaux et plus énigmatiques que la Joconde, et je veux non seulement les contempler mais aussi les photographier.

Bayon c'est beaucoup de tours et encore plus de visages de Bouddha

Je te passe les coursives, les gravures sur les murs avec le roi, ses 600 concubines, ses guerriers, des éléphants et tutti quanti pour aller à l'essentiel parce qu'il se fait tard. Moi j'attends qu'une chose les têtes de Bouddha qui se trouvent au sommet. Premier escalier fermé, le troisième niveau est en travaux. Je fais le tour, rien à faire, tous les accès au niveau supérieur sont fermés. J'enrage, je boue, je fulmine et refuse de partir sans mon visage de Bouddha. Un deuxième tour et je découvre l'escalier métallique d'accès aux échafaudages derrière une bâche. Ni vu ni connu je t'embrouille et comme t'es mon chouchou préféré t'y a droit toi aussi.

Ça valait pas le coup de gruger un peu?
Et blam! une autre
Je sais pas si t'as une idée de l'échelle mais il te balance une crotte de nez et tu prends 300kg sur la tronche

J'attends que tu me dises si t'as tenu le coup, moi ça m'a épuisé. Au final si tu veux mon avis, je suis toujours épaté par ce que l'égo de quelques puissants voulant marquer leur passage peut laisser comme œuvres monumentales pour la postérité. Mais jamais autant que devant les prodiges créés par la nature.

On est au Laos et on se la coule douce sur les 4000 îles.

On espère pour vous que le gros froid est passé.

Dans le monde des cyclo voyageurs, certains préparent au minimum leur voyage pour laisser plus de place à la découverte, au risque de passer à côté de plans intéressants. Et d'autres préparent minutieusement leur route pour ne rien louper, au risque de ternir un peu les découvertes. Moi, je fais partie de la deuxième catégorie. Dans ma perception des choses la préparation du voyage est une récréation avant l'heure. Trouver l'itinéraire parfait, jalonné de lieux emblématiques, tout en circulant sur de toutes petites voies est un exercice qui me stimule. Sur place, ça ne nous a jamais empêché de changer de plan si les conditions l'exigent, ni de profiter de tous les lieux programmés sur notre passage.

Tout ça pour te dire que sur les 400km entre les temples d'Angkor et la frontière du Laos, j'avais flairé du pas rigolo. A part la première étape qui relie le site d'Angkor à d'autres temples par une piste, le reste c'est juste une grande route goudronnée, rectiligne et sans dénivelé. Des signes qui ne trompent pas.

Jolie piste dans la campagne
Fréquentée par des cyclistes de tous âges
Première étape sur la route des temples bien animée

Après cette jolie étape, le préssentiment de la route de misère se confirme. Alors pour faire passer la pilule plus vite, on fait deux étapes en une avec un peu plus de 100km sous 35°. Il en résulte des litres de transpiration et deux plaques rosâtres un peu bourgeonantes (si tu vois ce que je veux dire), sur mon délicat postérieur, que l'on nomme communément échauffement, alors qu'il s'agît de gros steaks aux fesses. Quand je vous disais que j'avais la peau lisse au cul. (Elle est trop facile mais j'ai pas pu m'empêcher). Donc là, les anciens ils disent stop. Au pays du sourire où tout le monde roupille dans des hamacs sur le bord de la route on va pas se tarter à souffrir. Ce serait un manque de tact flagrant, un camouflet pour la population locale, on pourrait être poursuivis pour faute grave. Un taxi et 140km plus loin avec le sourire, et nous voilà parfaitement intégrés.

La preuve de la parfaite intégration de Jane

On s'est malgré tout réservé la dernière étape avant la frontière à la pédale, afin de rentrer dignement dans ce nouveau pays. On a quand même notre amour propre. La première bonne nouvelle c'est qu'on est devenu millionnaires. 200 malheureux euros contre 3,5 millions de Kips ça chamboule une vie, mais finalement tu t'y fais vite. Le plus dur c'est d'apprendre à les compter quand tu sais que le plus gros des biftons vaut 5€. Janine, elle voulait acheter un attaché-case. Je l'ai convaincu que juste un porte monnaie plus grand suffirait. Mais c'est vrai, quand tu payes ta chambre d'hôtel t'as l'impression d'acheter un palace.

Mieux que les rois du pétrole
Mais il faut rester concentré pour pas s'y perdre

La deuxième bonne nouvelle c'est que nous ne sommes qu'à dix petits kilomètres des 4000 îles du Mekong, l'un des sites phare qui guident notre voyage. Cet endroit est réputé pour sa douce ambiance et son calme bercé par le Mekong qui incite au farniente. Au programme, ne rien faire. On fonce!

Et la troisième bonne nouvelle, c'est qu'y a pas de mauvaise nouvelle contrairement à ce que tu espérais. Parce que je le sens que tu en as marre de ce conte de fées. Et que tu aimerais qu'il leur arrive des choses un peu tristes aux deux croulants, histoire de pimenter ta lecture. Ben non c'est comme ça!

Arrivée sur les 4000 îles par le sud avec les grandes chutes de Khone Phapheng

Bon, 4000 îles c'est un peu exagéré tu l'as compris. Peut être que lors du protectorat français un marseillais est passé dans le coin pour baptiser le site. Nous avons parcouru les quatre îles réellement habitées, dont deux sont dédiées au tourisme. Notre choix pour deux jours de glandouille s'est porté sur Don Det. Considérée comme le repaire des Babos, fêtards et autres backpackers, nous avons étés séduits par son charme tranquille d'île non accessible en voiture contrairement a Don Khone. Elle est de plus parfaitement située pour notre remontée vers le nord.

En piste vers Don Det
Puis installation dans la Guesthouse Sunset Mekong
Qui porte bien son nom

Au programme, découverte de l'île, petits restos au bord du fleuve, baignades et siestes.

Balade autour de l'île
Avec petit déjeuner au bord de l'eau
Baignades
Et sieste sur notre terrasse comme promis

Après deux journées harassantes comme tu as pu le constater, nous reprenons nos vélos avec la remontée de Don Som et Don Khong les deux autres îles au nord de Don Det.

Pas de problème pour aller d'une île à une autre

La traversée de Don Som est un instant magique qui restera pour longtemps dans nos mémoires. La lumière du matin est parfaite et la fraîcheur relative renforce notre plaisir à pédaler sur cette île. Ici, aucun hébergement touristique. Nous roulons sur des voies mi chemin mi sentier, au milieu des rizières et des parcelles où paissent quelques buffles. Nous traversons des hameaux où les familles déjeunent dehors, à l'ombre des manguiers ou sous la terrasse. Les sabaidee, les hello et autres marques de sympathie fusent de toutes parts. Les gamins voyant les farang arriver de loin se mettent à crier joyeusement et très vite c'est toute la fratrie qui se retrouve devant la maison pour un check main en passant. C'est tellement spontané, tellement naturel, que l'impression de passer pour une bête de foire est vite oubliée pour simplement profiter de la concordance des meilleures conditions.

Rouler sur des petits chemins avec la lumière du matin le long des rizières cultivées ou non est une vraie récréation
Tenue de rigueur et vélo sur le chemin de l'école u
Le comité d'accueil
D'un côté le vert des rizières
De l'autre celui du Mekong
Le voyage comme on l'aime
Dernier bac des 4000 îles

Un dernier bac après Dom Khong et nous voilà sur la terre ferme, si l'on peut dire. Les 4000 îles resteront un moment fort de ce voyage. Nous roulons vers Paksé en direction du plateau des Bolovens, avec de l'altitude (1300m), de la fraîcheur (enfin!), plein de cascades (pas les nôtres rassurez vous), et leurs cousines les chutes (pas les nôtres non plus).

Mais ce sera dans le prochain feuilleton et en attendant on souhaite une bonne Saint Valentin un peu en avance à tous les amoureux.

7

Après les 4000 îles, deux étapes en remontant le Mekong et nous voilà à Paksé, avec des rêves de fraîcheur plein la tête. C'est ici que démarre la fameuse boucle du plateau des Bolovens, de deux à trois cents kilomètres, en fonction de l'itinéraire choisi. Ça monte à 1300 mètres et à cette altitude, on est certains de trouver de la fraîcheur et du bon café produit sur zone. En ville les loueurs de scooters se bousculent. Cette boucle est devenue la parenthèse aventure à deux roues, des nombreux backpackers sillonnant le Laos. On a failli craquer pour une petite expérience motorisée mais finalement nous avons gardé nos engins à propulsion musculaire, plus aptes à sortir des sentiers battus si l'occasion nous était donnée.

Soubandith hôtel à Paksé. Un peu intimidant au premier abord puis comme à la maison

Lorsque nous arrivons dans une ville on cherche de suite le marché, parce que c'est le dada à Jane. Et naturellement, nous prenons l'hébergement le plus proche pour qu'elle puisse aller à sa guise, se fondre dans ce lieu populaire. En ouvrant la porte en verre fumé du Soubandith hôtel, le hall majestueux avec son sol en marbre, ses énormes colonnes en bois, son gigantesque lustre en verre, ses boiseries et tentures nous laissent penser que les deux clodos à vélo plein de poussière, vont se faire éjecter illico. Mais en voyant qu'il sert aussi de parking aux deux roues nous sommes rassurés.

Un luxe déconcertant pour un garage à vélos

Le lendemain, la montée directe de 1000 mètres ne ressemble pas au rêve que l'on avait imaginé. Une route à circulation et un soleil trop zélé, c'est jamais le bon cocktail pour des cyclistes chargés. Par contre, en poussant sur les pédales sous le cagnard, on entend dans nos têtes le bruit relaxant des cascades tombant dans un bassin, on voit le ruisseau cristallin courant sur les rochers, et on sent l'eau de la vasque rafraîchir notre corps au premier plongeon. Tad Champee et Tad Lo nous tendent les bras 1000 mètres plus haut. On arrive!

Motivés sur la piste qui mène à Tad Champee
Ultra motivés en découvrant la cascade du haut du sentier

Sur le sentier qui descend au pied de la cascade y a plus que deux dératés sautant d'une pierre à l'autre en tenue de bain. Ça a fait pschiiiitt! quand nous sommes rentrés dans l'eau. Baignade, rebaignade, passage derrière la cascade, devant les remous. Pas loin d'une heure à faire une trempette bien méritée.

Je sais comment la rendre heureuse la Jane. Une petite surchauffe suivie d'un bain frais et c'est gagné.
Tout sourire après cette première baignade

En face de Tad Champee, de l'autre côté de la route, se trouve sa cousine Tad Fane, beaucoup plus haute mais aussi plus touristique et moins accessible pour nos chères ablutions. Le bon plan c'est qu'il y a des hébergements. Et comme on a notre compte d'efforts, on troque les 200 mètres de dénivelé restants pour un bungalow en pleine jungle et presque vue sur les cascades.

La double cascade de Tad Fane que l'on peut presque admirer de notre terrasse
Jane a la recherche de sa case dans la jungle c'est du déjà vu non?
Une agréable pause detente en pleine nature

En partant de Thateng, après deux étapes sur le bitume, on décide d'arranger cette boucle à notre sauce. D'une part on change notre itinéraire direction Tad Lo, dont on nous a dit beaucoup de bien. D'autre part on a débusqué une piste sur la carte qui rallonge un peu, mais qui, si tout va bien (c'est toujours un pari), devrait nous apporter beaucoup plus de plaisir que le bitume.

On traverse des hameaux
On croise des buffles qui se désintéressent totalement de nous
Des véhicules fait maison avec des gens charmants

Lorsque la piste ne nous fait pas de cachotteries et nous permet de rouler correctement, la fête est à chaque fois au rendez-vous. Rouler sur une piste en traversant les nombreux petits hameaux, c'est rentrer en contact direct avec le monde rural. Les rencontres sont fréquentes et les scènes cocasses. Quel dommage que nous ne puissions communiquer avec eux que par gestes.

Encore des hameaux
Et encore des véhicules fait maison avec des gens hilares

À peine arrivés nous sommes conquis par Tad Lo. Petit village pittoresque, une suite de cascades, de belles vasques nageables, une rivière où les enfants se baignent en criant joyeusement. Ça sent bon la douceur de vivre, et la chambre avec balcon au dessus de la rivière nous fait de l'œil pour une pause de deux jours. La grande nouvelle c'est qu'à mille mètres, la nuit nous offre une délicieuse petite fraîcheur. Tu te souviens les nuits de canicule chez nous, quand au petit matin tu ressens le besoin de te couvrir avec le drap? Tu te souviens le bonheur que cet instant de fraicheur t'apporte? Hé ben nous c'est pareil en multiple. Plus besoin de clim ni de ventilateur, juste la fraîcheur matinale. Le summum de la félicité.

L'une des nombreuses cascades de Tad Lo
Et sa copine un peu plus bas
Bain à remous garanti devant notre chambre
Où les enfants en profitent autant que Papy
Et le soir atelier couture devant des fans inconditionnels du crochet

Pour finir notre boucle depuis Tad Lo, la route nous oblige à un grand détour par Salavan, qui se situe à l'opposé de notre direction. Alors nous misons une fois de plus sur 30km de piste, puis chemins, pour éviter ce grand détour. C'était un peu plus sportif que les autres fois, avec même un peu de pilotage rigolo et quelques surprises. En tout cas rien qui n'ait pu gâcher notre plaisir à pédaler sans véhicules, à faire de jolies rencontres et profiter de chouettes paysages.


D'abord une large piste...
Qui se rétrécit ensuite...
Pour devenir chemin
Avec son lot de surprises parfois boueuses...
D'autres fois humides
Et toujours des rencontres divertissantes
Ainsi que de superbes scènes rurales

Encore une étape sans efforts ni problèmes particuliers, au grand désespoir de certains, qui aimeraient plus de difficultés, un peu de souffrance, des contretemps fâcheux, des complications, peut être même un petit accident. À ceux là on leur fait un pied de nez amusé.

À Napong, au terme de notre boucle, la détestable, l'abominable, l'incyclable, l'ultra trafiquable, l'affreusement camionable, la chieusement poussièrable, l'inévitable N13 est là, devant nous. Devine ce qu'on a fait?

On attend ta réponse dans les commentaires.

J'avoue! D'ailleurs à part quelques reponses farfelues vous aviez tous deviné. Mais je balaie d'un revers de main les esprits mal tournés qui pensent qu'on se la joue confort, qu'on ramollit et patati et patata. La vérité vraie, (avé l'assent petit!) c'est qu'on veut pas de la N13. Alors bus jusqu'à Savannakhet, et on finit les 100 derniers kilomètres jusqu'à Thakhek, coolos, le long du Mekong, à la pédale.

A Thakhek comme ailleurs au Laos on se complique pas avec les siège auto pour enfants

Thakhek c'est une petite ville hyper touristique. Le soir, les bords du Mekong s'animent avec une multitude de petits stands de tapas made in Laos, où la bière coule à flots et la musique nous casse un peu les oreilles et aussi les pieds, il faut le reconnaître. C'est aussi le rendez vous des bourlingueurs à pied, bus, moto ou vélo. Tous se retrouvent ici dans une ambiance un peu "expé", pour préparer la fameuse balade dans la province de Khammouane, plus connue sous le nom de boucle de Thakhek. Il sagit d'un trip d'environs 500km dans un des plus beaux massifs karstiques au monde, truffé de grottes paraît-il.

Soirée tapas Asiatiques
Avec sauterelles grillées
On a adoré
Avec modération

Au départ de Thakhek, nous assistons comme tous les matins où nous sommes sur nos vélos, au rituel du Tak Bat. À l'aube les moines bouddhistes sortent en procession pour faire la quête de leur repas. Sur le bord de la route les fidèles sont déjà là, à genoux, les attendant avec leurs offrandes.

🎶Quand les moines s'en vont au marché 🎶  Sur l'air de la boiteuse pour les initiés
Les fidèles les attendent avec le sourire
Et parfois aussi en tapotant sur le portable

Tout de suite nous entrons dans le massif karstique. Nous sommes immédiatement subjugués par la beauté des paysages, sublimés par les couleurs chaudes du matin. Des piliers calcaires envahis par la jungle se hissent partout autour de nous. Du piton conique à la tourelle, toutes les formes de roches présentent un aspect dentelé, déchiqueté, hérissé de picots acérés par l'érosion, caractéristiques du lapiaz.

A l'approche du massif au petit matin
Nous aimons pédaler tôt pour bénéficier des couleurs du matin et de la tranquillité de la route
Dans un décor magique
Que nous savourons à chaque instant

Au matin de la deuxième étape de notre boucle, on a la boule au ventre. Devant nous 70km de piste pour arriver jusqu'au temps fort de notre étape. Que dis-je le temps fort! l'apogée de notre boucle! le couronnement de notre parcours au Laos! T'inquiète, je t'en parlerai plus loin. On va y aller chronologiquement. Attends...j'ai un doute. Flemmard comme je te sens, je crains le survol. T'es prêt à sauter quelques pages pour aller voir de suite. Tu serais de l'espèce des saboteurs de prose laborieusement enfantée que ça m'étonnerai pas. Tu sais le temps que je passe à débiter ces âneries? Tu sais que chez moi l'écriture n'est pas innée, ni la plume instinctive? Tu sais que je gribouille, relis, efface, rajoute, re-gribouille et recommence clopin-clopant jusqu'à la fin? Tu sais que je suis un scribouillard de 4ème zone, sans grand talent mais très appliqué? Alors tu vas me faire le plaisir de te laisser happer par cette historiette sans rien lâcher. Pas une ligne oubliée, pas un mot sauté et puis c'est tout.

Oui, donc, notre étape. Qu'on a même pas commencé à pédaler et déjà les chocottes nous tétanisent. Parce que le défilé de scooters sur la route très peu pour nous. Alors j'ai tracé un petit bijou de parcours dans la montagne, qui devrait nous ravir s'il veut bien se laisser dompter. Ou peut-être nous punir s'il est trop sauvage. Inchallah! comme dirait mon ami Ahmed.

Je te décris la suite tout bien parce que le moment est unique. On quitte la route goudronnée pour s'engager dans un petit chemin, puis on traverse un village tout mignonnet avec ses maisons en bois sur pilotis. Chemin faisant (je ris! Y a pas plus pompeux comme expression), on arrive devant un étang, blotti dans un écrin de végétation, où deux pêcheurs lancent leurs filets depuis une barque. C'est idyllique! Enchanteur! et ça prépare pas vraiment à ce qui nous attend 200m plus loin.

Voilà le petit village avec les maisons en bois
Et l'étang avec les pêcheurs, que t'ailles pas imaginer que je te sers des salades

Devant nous un mur. Comme ceux que tu affrontes quand tu grimpes l'Everest mais avec moins de neige, le nôtre. Avec de gros cailloux en plein milieu, et d'autres plus petits qui roulent sous les pieds pour te faire tomber. Style chemin muletier tu vois. Mais attention, pas n'importe quels mulets. Des bestiaux de compétition surchoix, teigneux et durs au mal. Et chaussés Michelin avec de gros crampons, que sinon ça marche pas. Et justement nos mulets à sacoches on les pousse, on les tire, on les lève, on sarc-boute, on sue, on saigne, on se déchemise pour vaincre le sommet. De l'autre côté, la descente est un précipice. Ravinée, pentue, caillouteuse, effrayante. On vient de faire 200 mètres. Sur mon écran la route serpente sur 10km tel un reptile bicolore à la robe rouge et bleue. Le rouge représentant les montées au delà de 10% et même chose pour le bleu des descentes.

Ici comme tu vois je pousse mon vélo
Et ici tu crois que je fais une randonnée à pied alors que je redescend chercher le vélo de ma Princesse

J'ai vu trop grand. Une décision s'impose, je la suggère à Janine.

"On devrait faire demi tour et passer par la route".

Et devine ce qu'elle me répond.

"Moi je me le tenterai bien".

J'en reste baba. Ma douce, ma fleur, ma rose pleine de pétales bien roses et aussi quelques épines, ce qui est courant chez les roses. Qu'est ce qu'elle ferait pas pour m'éblouir. Faut que je te dise: Janine elle n'a ni carte ni route. Mais elle a pour elle l'instinct serein du voyageur. Sûre de sa force tranquille et aussi un peu de la mienne, je présume. Un peu plus agitée tout de même, je dois dire. Alors je regarde de nouveau la carte, me gratte la tête pour gagner du temps et tente une nouvelle approche.

"T'es sûre?"

"Oui mais il faut qu'on soit d'accord tous les deux".

Et que veux tu que je réponde. Merveilleuse enfant! Je remercie le Seigneur, Dieu tout puissant. Notre Guide à tous par delà les siècles et les siècles, que sans lui on serait perdus c'est sûr. Je le remercie d'avoir permis notre rencontre une nuit de réveillon de l'an 1979, alors qu'on était aussi bourrés l'un que l'autre. État qui sans l'appui du créateur, tu conviendras, aurait fortement réduit les probabilités d'approche. Et surtout, surtout, je le remercie de nous avoir permis de faire ce long chemin ensemble, en balayant bien devant nos pas toutes les chiassures que la vie te met en travers exprès pour que tu trébuches. Et tant que t'y es Seigneur, dans ton infinie bonté, gratifie moi d'une bonne dose de courage. Parce que tu devines Seigneur, toi qui a regard sur tout, aussi bien sur terre que dans les cieux, que c'est moi qui vais me coltiner le plus d'aller et retours pour hisser les vélos en haut de ces pu.....s de côtes. Tu vois, j'en suis là de mes réflexions sur ce bout de montagne. Dépenaillé, poussiéreux, suant, soufflant au milieu des villageois qui s'en vont la défricher, cette montagne, pour cultiver leur pitance. Et qui se demandent s'ils sont pas un peu fêlés ces farangs de passer par ici avec leurs bicyclettes. J'en suis là! Avec encore quelques doutes mais presque convaincu par mon exquise. Et toi tu te dis que ça dure des plombes ma réflexion, qu'on perd du temps. C'est parce que tu ne mesures pas ma vivacité d'esprit, ni l'explosivité de mes neurones. En réalité la décision est déjà prise, avant même que t'aies terminé de lire.

Avoue que la photo reflète bien les circonstances dramatiques

Ô Ma tendre colombe, comme tu as bien poussé dans les montées. Avec tes petites mains posées sur le guidon et tes jolis pieds par terre, qui te hissaient pas à pas.

Un joli parcours de VTT non ?

Ô mon soleil, comme tu as bien retenu ta monture dans les descentes. Bien campée sur tes jambes et jouant finement du frein avec tes doigts.

Celle là elle me donne le vertige chaque fois que je la regarde

Ô mon oiseau des îles comme tu as bien souffert sans te plaindre. Soufflant, glissant, chavirant, tombant, t'écorchant, t'égratignant sans jamais un gémissement.

En voilà une autre ça manque pas en magasin

Ô Ma vie, quelle leçon de courage, quelle démonstration de ténacité, quel exemple de volonté tu m'as donné, malgré que tu te le sois un peu cherché.

Oui c'est devenu un peu plus plat

Ô élue de mon cœur, tu es mon guide et mon errance, mon jardin et ma souffrance, ma mer déchaînée et ma mère tendresse, ma maîtresse et ma traîtresse, ma complice et mon supplice, mon soleil et ma pénombre, mon ange et mon démon, ma folie et ma raison. Ma presque moi. Ma toute moi. Ma plus que moi. Grâce à ton insouciance nous avons vécu trois heures d'un divin bonheur sur seulement dix petits kilomètres. Il en reste encore 60 et nous avons chaud, faim et soif. Mais que sont ces menus aléas en comparaison du concentré de félicité que tu nous a offert ? Pour ça et tout le reste de notre vie je te chéris et te dis merci.

Après la montagne quelques zones bien pelées en saison sèche
Puis de nouveau la montagne se profile avec le verrou qui nous attend
Une pause rafraîchissement bienvenue
Et nous sommes arrivés
Devant notre chambre le verrou rocheux que nous traverserons demain

Au bout de cette piste se dresse une barrière de massif calcaire infranchissable par voie terrestre. C'est ici que se trouve le coup de cœur qui nous a fait choisir cet itinéraire. Nous sommes devant la grotte de Kong Lor, traversée par la rivière Nam Hin Bun sur une longueur de sept kilomètres, et qui nous permettra de franchir la montagne.

En plein préparatifs pour le chargement des velos
Et c'est parti!

La grotte par elle-même n'est pas extraordinaire par ses concrétions, mais ses dimensions et l'ambiance la rendent unique.

Quelques rares concrétions par endroits
Bien arrivés
Y a plus qu'à reprendre la route

Le lendemain nous avons battu le record de l'étape la plus courte. Au 5eme kilomètre d'une rude montée à 12% nous arrivons à The Rock Viewpoint, qui jouxte The Rock Lodge. Avec un nom pareil t'as compris qu'on n'est pas dans un boui boui Laotien. Le promontoire est splendide qui domine le massif karstique, et les installations superbes. Rapido-Presto Janine décrète en toute démocratie que l'étape s'arrête là, et negocie en même temps un joli bungalow avec vue imprenable sur le massif.

Vue imprenable sur le massif calcaire enfoui dans la jungle
Petit mais grand confort
Avec terrasse au dessus de la jungle
Il paraît qu'ils font même du kayak

Entre deux siestes nous avons testé la walk way. Un cheminement de passerelles pour descendre au cœur de la jungle qui recouvre le massif aux pics acérés.

Et bien sûr le classique coucher de soleil

En sortant de la boucle de Thakhek, Paf! On se ratatine le nez contre la N13. Elle nous lâchera jamais cette garce. Janine est catégorique. Les camions, la poussière, les lignes droites, les travaux, elle a déjà donné dans la bataille d'Amérique. Elle est pas venue ici pour jouer les guerrières de la N13. Les 280km jusqu'à Vientiane, la capitale, elle les fera en bus et de préférence climatisé.

Elle a oublié de dire qu'il était aussi couchette le bus

Mais puisque c'est le sujet du jour je vais te faire une confession : ma redoutable amazone elle est pas au mieux. Pas encore à terre mais bien inclinée. Un peu la tour de Pise tu vois. Terrassée par une contracture au dos, conséquence de sa folle épopée. Elle a tout essayé : les arrêts tous les 5km, les étirements sur le bord de la route, les massages Thai, les onguents locaux à base de sécrétions de dragons et tigres (c'est marqué sur la boîte), rien n'y fait. Même l'eau bénite de Lourdes, qu'elle a amené en prévision de maladies incurables n'a pas eu d'effet. Pourtant de l'eau miraculeuse garantie authentique. En provenance du sein des saintes: celui de la Vierge Marie à deux pas de la maison, je te rappelle. Elle même tant révélée à l'illustre bergère Soubirou qu'elles étaient devenues copines, puisqu'elles se filaient rencard régulièrement au bord du Gave pour discuter de choses et d'autre.

Je sais pas si t'arrives a suivre mais moi je suis paumé. Mon problème c'est que ma prose n'est pas encore à la hauteur de mon inspiration, mais je travaille.

Et donc, puisque tu m'aides pas, c'est ma pauvrette qui a mal au dos et qui arrive pas à le guerir et basta, on passe à la suite.


Pour que tu vois que c'est pas une blague je t'ai fait une photo du flacon qu'elle a amené

Moi pour la N13 j'hésite. J'hésite parce que je pourrais très bien dire; jamais deux sans trois et faire un bras d'honneur à tous les vautours qui attendent un faux-pas de ma part pour m'enterrer. Mais en même temps j'ai mon orgueil. Un orgueil qui titille ma réputation, l'estime de soi et toutes ces crétineries. Et tu sais comme ils sont les orgueils! Pas moyen de s'en défaire! Et puis une petite bagarre du presque septuagénaire avec la N13, ça me va bien. Et puis une petite virée en solo ça me changera. Et tiens, puisque c'est ça, les cinq étapes prévues je les ferais en trois.

Quand tu te coltines 6h de vélo avec de grandes lignes droites, de la chaleur, le fracas des camions lancés à toute berzingue, la poussière qui s'insinue partout, il faut un truc pour tenir.

Dans l'ambiance de la N13

Moi, je compartimente mon cerveau. Une partie, celle qui est chargée de ma survivance mentale s'évade. Ne me demande pas si c'est le lobe Duschmol ou l'hémisphère Tartempion, j'en sais rien. Mais je sais que j'en ai une, et toi aussi. Tu te souviens en cours de maths, pendant que l'autre s'escrimait à t'infuser des racines carrées ce que tu faisais? Bah tu rêvais! T'étais présent mais t'étais ailleurs.

Tu penses au but que t'as loupé en cours de foot alors que Nina et Enola, les deux sœurs arrivées en cours d'année t'encouragaient. Tu les connais à peine, mais elles t'on ensorcelé de suite. Sans même te parler. L'une avec sa coupe au carré, et l'autre avec sa queue de cheval qu'autrement elles seraient indifférentiables. Elles sont tellement chou toutes les deux que t'es prêt à toutes les blagues ridicules pour te rendre intéressant. Alors tu t'en veux à mort d'avoir raté l'occase de parader devant elles au match de foot.

Et l'autre, au tableau, qui est passé maintenant aux variables de Pythagore. Il faudrait un séisme pour que tu te reconnectes. Parce que de l'autre côté de la classe, un rang devant toi, ton regard vient de se poser sur Juna que tu connais depuis longtemps. Ah Juna! Éternellement appliquée et jolie comme un cœur, mais tellement inaccessible. Non pas qu'elle soit bégueule, au contraire. Toujours souriante et attentionnée, mais évoluant dans une dimension trop élevée pour toi. Devant elle tu te sens en état de bonheur absolu, tu gagatises, tu complexes. Et finalement tu perds pied et fatalement, espoir. Mais te bile pas, c'est naturel que l'explosion d'hormones que tu subis t'entraîne à la dérive vers de jolis minois au lieu de suivre ton cours. C'est normal tout ça ! D'ailleurs c'est pas toi qui décides.

Alors que le flux de testostérone baisse dans ton corps, t'es toujours à des années lumière de l'hypoténuse que rabâche l'autre. Maintenant tu viens de te brancher sur Fortnite. Y a pas à dire t'es accro à ce jeu en ligne. Mais tu comprends toujours pas la dérouillée que t'as pris par ce Noé que tu as invité par le biais de la plate-forme. C'est un extra terrestre de la manette ce mec, et sympa en plus. Il t'a donné plein de trucs pour t'améliorer. Tu te promets de t'entraîner comme un dingue pour le défier de nouveau, mais t'y crois pas vraiment. Trop fort le Noé, t'essaieras avec un autre.

Et voilà!

Tu comprends maintenant, comment ça fonctionne?

Pendant que je te racontais tout ca, sur la N13 ça s'est pas amélioré

Alors je t'en reviens à ma N13, que oui, le lobe Trucmuch me tient dans ces rêveries dont je te parle, plus beaucoup d'autres pendant que je pédale au milieu des camions. Et heureusement!

De concert à ces salutaires distractions imaginaires menées de main de maître par le lobe dont tu viens de faire connaissance, un autre lobe, ou hémisphère, ou cortex, ou ce que tu voudras je m'en tamponne le coquillard, a pris les commandes. Et puis d'abord ça t'avancerai à quoi de connaître son nom? T'aimerais briller en société en expliquant que le centre de nos pensées se situe exactement entre l'occipital gauche et le pariétal droit ? Ou alors t'es le genre d'emmerdeur qui pose des questions juste pour se rendre intéressant? Bon, calme! Faudrait quand même que je termine cette histoire qui commence à me prendre la tête nom de dieu. Donc, l'autre partie, penardos, elle joue le rôle de pilote automatique. Imperturbable, elle pédale, passe les vitesses, change de rythme, met un coup de guidon pour éviter un trou, lève un peu les fesses de la selle lorsqu'une flatulence imminente se présente, tout bien quoi. L'autonomie totale!

Reste plus qu'à assurer la survivance physique. Dans le chaos de la N13, il te faut des lanceurs d'alerte fiables. Tu prends une poignée de neurones. Pas des chiques molles tout raplaplas de la mouvance. Les meilleurs! Vigilants, rapides, malins, de confiance, acquis à ta cause. Et tu les postes aux aguets, prêts à sonner l'alarme en cas de coup dur. C'est eux qui vont détecter le coup de klaxon nerveux qui veut dire: je suis lancé et y a pas de place pour deux. Aussitôt, ils te soufflent à l'oreille de vite te pousser sur le bas côté tout cabossé. Il vaut mieux perdre quelques kilomètres heure que la vie.

Rester vigilant tout en rêvant, voilà la gageure

J'arrivai ainsi à Vientiane, terreux comme un cantonier Laotien, luisant de transpiration tel le buffle des rizières, mais fier comme un preux chevalier après avoir mené à bien sa croisade. La princesse l'attendait dans leur château au bord du Mekong, et ils furent heureux.

Le prochain conte dans quelque temps.

C'est le cœur gros que je commence la rédaction de ce récit. J'ai essayé d'oublier, de comprendre, de me faire une raison, mais l'échec du dernier article ne passe pas. Certes, il y a eu des commentaires, et de qualité, mais si peu nombreux. Tant usiner sur le clavier, pour être en retour si mal payé. Tant essorer de matière grise, pour aussi peu de reconnaissance à fêter. Tant espérer pour finalement sombrer. Un hors sujet, certainement! Tant pis! je continuerais, laborieusement, jusqu'à la fin de la route. Ainsi va la vie du voyageur au Laos!

À Vientiane nous avons pris une guesthouse (le château c'était une blague) au cœur du quartier animé, au bord du Mekong. Vientiane ce n'est pas une capitale au charme fou, il faut bien le reconnaître. La promenade au bord du Mekong à tout d'une balade le long d'un terrain vague avec ses habituels sacs plastique comme déco, et les larges avenues avec leurs temples dorés ne font pas non plus notre bonheur.

C'est vrai que lorsque nous arrivons dans les villes, nous aspirons plus à un repos bienfaiteur qu'à des visites éreintantes. Contrairement aux backpackers, nos temps d'action sont associés aux déplacements et nos repos aux pauses. Un décalage que nous remarquons dans les hébergements que nous partageons.

Ce qui fait notre bonheur à Vientiane c'est le grouillant et exotique marché de nuit, ainsi que les succulents currys de mama Kanlaya dans notre cantine préférée.

Au programme des corvées administratives, deux longs déplacements jusqu'aux bureaux de l'immigration pour notre extension de visa, et nous pouvons reprendre enfin la route.

Les bebetes du marché de nuit à l'étal
Puis dans nos assiettes
Et d'autres spécialités que nous connaissons un peu mieux

L'excellente nouvelle c'est que pour faire les 500km entre Vientiane et Louang Prabang, nous quittons définitivement la N13. Il est préférable de troquer toutes les merveilles de la région de Vang Vieng, promises par les brochures touristiques, contre le calme d'un itinéraire le long du Mekong dans un premiers temps, puis dans la montagne rurale pour terminer.

Un matin au départ de Vientiane le long du Mekong

La vie est douce le long du Mekong et le départ au petit matin est un moment spécial que je savoure particulièrement. Tous les matins nous pédalons vers du nouveau. C'est l'élément essentiel qui anime nos voyages. Que ce nouveau se profile paisible ou exigeant peu importe, nous verrons sur le moment. Ce qui importe c'est que nous allons vers de nouveaux paysages, peut être vers de nouvelles rencontres mais toujours de nouvelles découvertes qui seront ou pas comme nous les avions imaginées. Au départ, durant une bonne poignée de kilomètres, l'effort sera mesuré pour savourer ce moment de plénitude que rien ne doit altérer.

Ainsi vont les petits matins au Laos!

Un départ au petit matin

Comme le dos de Janine fait encore des caprices nous raccourcissons volontairement les étapes. La route est facile, les eaux calmes du fleuve bercent nos coups de pédales et nous trouvons aisément de chouettes hébergements pour en profiter à la pause.

À la terrasse de la pause de 10h
À celle de notre hébergement
Ou pour des moments rafraîchissants (Les filles ne vous attardez pas trop sur cette photo Janine n'aime pas ça)
Le Mekong nous tient compagnie durant deux jours

A Xanakharm il est temps de quitter le fleuve pour couper son énorme méandre par la montagne. Une étape de 70km, avec pas mal de dénivelé que nous craignions un peu. En fait ce n'est pas tant le dénivelé qui nous inquiète, mais plutôt les pourcentages indécents que les ingénieurs routiers Laotiens nous imposent. Ce peuple ne sait pas faire les choses à moitié. Plusieurs exemples nous donnent à penser que le Laos fonctionne sur on-off exclusivement. Les pentes des routes qui passent de zéro à 12% en un instant sont à légal de la musique dans les restaurants, poussée à 120 décibels dès la sono allumée. Nous apprenons à choisir nos restaurants en détectant l'horrible appareil pouvant être allumé à tout moment. Autre singularité ; l'accueil dans les commerces va de l'ignorance totale si le tenancier est sur son portable ou bien se repose (oui, il y a toujours un lit dans les commerces ou restaurants), aux grands sourires et un marquage à la culotte s'il est dans de bonnes dispositions.

Ainsi va la vie au Laos!

Janine aux prises avec les pentes Laotiennes...
...heureuse d'avoir terminé une bataille
...elle profite un peu des paysages
...un petit étirement pour son dos avant la descente
...puis on lache tout en prévision de la prochaine montée

En arrivant à Phong Thong nous faisons triste mine. Sur cette route de montagne dans le Laos rural, les hébergements sont rares et c'est un arrache cœur de lâcher notre petit confort habituel. Mais en découvrant le site que nous avions sélectionné pour un hypothétique bivouac, on retrouve la banane. De chaque côté d'une résurgence aménagée en bassins de baignade, deux rangées de paillottes, où les Laotiens adorent manger, se font face. La nourriture du restaurant est excellente et l'eau des bassins particulièrement limpide. C'est juste parfait et l'accord de la propriétaire nous permet d'investir une paillote. Suit une série de photos mettant particulièrement en lumière le dur quotidien de ma chérie.

Ainsi va sa vie au Laos!

La première à la baignade
La première à la sieste
La dernière à se lever le matin
La première au café
Et le pauvret qui a eu froid toute la nuit

Depuis deux jours une sorte de voile, que le soleil ne parvient pas à déchirer, recouvre le ciel même en pleine journée. Nous ne voyons plus de notre astre qu'une boule à la lumière pâle, et plus du tout de ciel bleu. Les paysages se distinguent à peine à travers le brouillard, et ce phénomène qui se répète jour après jour nous interpelle. Après quelques recherches, nous découvrons que la plus grande partie de l'Asie du sud-est subit en ce moment un épisode de pollution atmosphérique. Ce smog est lié aux émissions des industries et véhicules, ainsi qu'au brûlage des cultures saisonnières propre à cette période de l'année. 200 000 personnes auraient été hospitalisées depuis le début du phénomène. Heureusement que notre jeunesse nous permet de traverser ce regrettable événement sans conséquences.

Ainsi va la vie des cyclistes au Laos!

Ambiance ciel plombé

Sayaboury c'est un nom de ville qui fleure bon l'exotisme. On s'imagine se promenant dans les rues bordées de bougainvilliers, le parfum envoûtant de fleurs de Tiaré flotte dans l'air, et les orchidées suspendues devant les entrées des maisons coloniales, complètent le tableau idyllique qui habite nos rêves de repos après plusieurs journées de piste.

Sayaboury fiction

Hélas, les rêves ont parfois une fâcheuse tendance à résister à leur métamorphose en réalité. Sayaboury avec ses larges avenues se révèle moins que quelconque, et notre hébergement (une erreur de casting), ne vaut pas mieux. La salle de bains, surtout, de pur style Laotien mérite une petite description.

Ici, le terme "salle d'eau" prend tout son sens. Lavabo, douche et cuvette sont étroitement rassemblés dans un minuscule réduit. L'eau du lavabo coule directement au sol, puis essaie de se frayer un chemin jusqu'à l'évacuation de la douche qui se trouve quelque part dans la pièce. Préventivement, nous disposons parfois d'une paire de sandales à l'entrée de la salle d'eau, alors que des cuissardes nous sembleraient plus appropriées. La douche arrose copieusement l'ensemble de la pièce, et il vaut mieux laisser serviette et change à l'extérieur. Mais le summum de l'aventure reste l'installation électrique du chauffe eau dans cette ambiance détrempée. Digne d'un grand film d'épouvante!

Le trône propose lui aussi des singularités qu'il convient de décrire, ne serait ce que par solidarité avec les futurs voyageurs. Au Laos, balayette et papier hygiénique sont remplacés par une douchette. Un dispositif bien plus hygiénique que nos méthodes occidentales, pour l'un comme pour l'autre des usages, il faut bien l'admettre. Le hic demeure dans la bonne utilisation de cette dernière. Étant conçue pour un décrottage parfait, le concepteur l'a pourvue d'un jet supersonique proche du karcher. Si pour le nettoyage de la cuvette cette surpression n'a aucune conséquence fâcheuse, à part quelques éclaboussures lorsque le jet est maladroitement orienté, pour l'autre fonction le bilan peut s'avérer dramatique, avec des séquelles irréversibles pour l'utilisateur manquant de doigté sur la gâchette.

Ainsi vont nos ablutions au Laos!

Du coup, nous faisons sauter le repos prévu dans cette ville au nom trompeur et ça nous en fera un de plus pour Kuang Si.


Une salle d'eau plutôt proprette avec son kit complet
Pour prendre la mesure du péril, zoomer sur la connexion du câble rouge
Celui-ci n'a pas résisté au pipi nocturne de Janine, mais du coup on peut découvrir la fameuse douchette

A 80km de Luang Prabang nous quittons la route pour une piste le long du Mekong. L'avantage est double: moins de circulation à l'approche d'une grande ville, mais surtout la piste nous fait passer par les cascades de Kuang Si, qui sont une étape immanquable.

Évidemment la piste nous procure sont lot de pentes raides, chaussée défoncée et poussière à gogo. Mais aussi la tranquillité, du rural authentique et la satisfaction de sortir de l'ordinaire. Sans ce brouillard crasseux toujours présent, ce serait parfait.

Lorsque notre route croise ce type de passage on réalise être sortis des sentiers battus
Et ça se confirme un peu plus loin
Un régal malgré la difficulté

Les quatre kilomètres de montée avant Kuang Si terminent de nous achever. La chaleur et l'effort nous ont cuit chacun à leur manière, mais la récompense est de taille. Le Kuang Si réel est plus beau que les photos que nous avions longuement regardées. Une succession de piscines naturelles bordent l'hébergement que Janine à minutieusement choisi. Quelques bungalows au charme fou au milieu d'un joyau de la nature, on signe de suite pour trois jours de repos.

Une bonne trempette en arrivant
Au pied de notre chalet
Avec salon de lecture ou plongeoir au choix
Et salle de repos romantique

Les jours suivants nous alternons visites et randonnées pour découvrir la totalité du site jusqu'à sa source. Et tu vois, au moment de te décrire l'exceptionnel, je me trouve devant le plus ingrat et épuisant des tourments. Trouver des mots qui ne seront jamais assez justes pour évoquer tant de beauté. Des mots que tu jugeras inévitablement fades en comparaison des images qui les accompagnent. Des mots miteux face à tant de grâce.

Alors je le laisse tel quel, brut de nature, vierge de superflu. Tu trouveras les tiens et tu me diras, peut-être.

Ainsi devraient toujours être nos repos au Laos!


Chuuut ! On s'imprègne d'harmonie
On laisse ruisseller la délicatesse ....
S'exprimer l'élégance ...
Jusqu'à l'apothéose...
Ou le bain des moines
Après trois jours à côtoyer les enfants du village nous sommes invités à visiter l'école
Sans oublier le don pour aider les familles à acheter les fournitures scolaires

A peine 3h de vélo entre Kuang Si et Luang Prabang, en comptant l'arrêt dégustation plateau de fromages au lait de bufflonne. Nous nous faisions une fête et ce fut une imposture. Passons!

Luang Prabang c'est la ville incontournable au nord du Laos. Ancienne capitale royale inscrite à l'UNESCO, il est impossible de ne pas tomber sous son charme. Dans le vieux quartier au bord du Mekong, les maisons au style colonial s'alignent le long de ruelles où nous décidons de poser nos sacoches pour deux jours. Plus populaire que Vientiane, elle est aussi plus touristique. Mais curieusement, cet afflux de touristes ne vient pas perturber une atmosphère propice à la détente. Contrairement à d'habitude, ragaillardis par notre repos à Kuang Si, nous multiplions les visites.

L'inévitable marché de nuit, les temples, les palais, les musées et quelques sites naturels sont au programme de nos visites motorisées.

Ça y est on a lâché les vélos
Nous étions partis pour voir des ateliers de tissage et nous sommes tombés sur une compétition de Dragon Boat
Bien plus instructif
Et animé que des bouts de tissu
Nham Dong Park

Même la soirée grand spectacle est au programme des festivités, anniversaire oblige. Le grand jeu! Site prestigieux, emplacement de choix au bord du bassin aux nénuphars classé à l'UNESCO, menu gastronomique dégustation Lao, jai tout donné. Après la terrible campagne de Thakhek je ne pouvais pas faire moins.

Emplacement de choix pour célébration d'anniversaire

Dans cette ambiance feutrée, au milieu des bonnes manières et des beaux habits, nous avons compris que l'on dénotait un peu avec nos tongs, short et robe froissés, lorsque à la commande du vin la serveuse nous montre du doigt son prix. Du coup j'étais à deux doigts de lui demander si on pouvait piquer une tête dans le bassin après le repas.

On n'a même pas pu finir les onze plats du menu

Nous préparons une croisière de deux jours sur le Mekong pour revenir en Thaïlande. On vous raconte tout ça au prochain épisode.

...et poudre d'escampette au royaume de Siam (Trahi par la technique, me voilà obligé de terminer le titre dans le corps de texte)

Biscouettes: au rugby, roublardise destinée à leurrer l'adversaire. L'équipe de France en a administré à loisir au XV de la rose dernièrement.

Carabistouilles:blague, mensonge, tromperie, galéjade. Une spécialité de la classe politique.

Tarabustages: qui cause de la contrariété, de l'inquiétude. Comme le cyclotage, ce mot n'a pas encore été inventé.

Poudre d'escampette: se sauver à toutes jambes. Comme quand t'étais minot et tu te faisais surprendre sur le cerisier du voisin.

De Louang Prabang nous devons rejoindre la frontière Thaïlandaise, ça, nous le savons. Ce qui nous fait encore hésiter c'est le mode de déplacement.

Vélo: au moins 9 étapes dans la montagne avec beaucoup de dénivelé et des pentes à pleurer. Option éliminée aussitôt évoquée.

Bus: une journée complète de voyage.

Bateau sur le Mekong: deux jours de voyage coupés d'une nuit à Pakbeng.

Pour faire un tri des versions plus ou moins farfelues que nous racontent les uns et les autres, nous nous rendons aux différents terminaux, et finalement nous organisons un vote.

A deux, autour d'une bière, nous remplissons nos petits bulletins dûment argumentés pour le cas où il y aurait discordance. Heureusement, le bateau est sorti vainqueur à l'unanimité.

Plus romantique, plus pittoresque, plus inoubliable, plus racontable, plus exotique.

Les vélos voyageront en terrasse
Sans oublier de vérifier l'amarrage pour éviter la casse

De Louang Prabang à HuayXay 300 kilomètres de navigation à une moyenne de 17km heure, parce qu'on remonte le fleuve. L'aubaine c'est que le trajet étant moins populaire dans ce sens, nous disposons de plein de places libres. Les banquettes de bus recyclées et non fixées au sol, nous permettent de ménager un petit coin pour passer au mieux les 9 à 10 heures de navigation.

Au début assis sagement
Puis on prend vite nos aises

La vie à bord se calque paisiblement sur le rythme du bateau. Chacun organise sa petite popote, ses moments de lecture ou de bricolage. Malheureusement les paysages et la vie au bord du fleuve dont nous pourrions profiter, sont gâchés par ce nuage de pollution qui ne nous lâche pas.

Des hameaux de pêcheurs au milieu de nulle part et toujours des enfants qui jouent dans l'eau
Les camps d'orpailleurs que l'on croise régulièrement

Assis sur sa chaise haute, le pilote laisse glisser son bateau de contre courant en contre courant (les spécialistes comprendront), tout en douceur. En cette période d'étiage le volume du fleuve est beaucoup moins important, mais trains de vagues, tourbillons, marmites et enfilades de rochers sont bien présents. En bon Laotien, notre capitaine ne semble pas s'émouvoir de toutes ces embûches. Il pilote son engin avec décontraction, tout en discutant le coup avec les locaux qui se réservent généralement les sièges à l'avant du bateau.

Cabine de pilotage hi tech

De temps à autre l'énorme moteur décélère soudainement, en même temps que le bateau se rapproche de la rive. On pense à un obstacle imprévu ou une panne quelconque. Mais non, le pilote continue à laisser glisser son bateau en douceur jusqu'à le rapprocher de la berge. A quelques mètres du bord deux passagers, debout sur la proue, jaugent la profondeur avec de longues perches de bois, jusqu'à atteindre la terre ferme. L'improbable se produit alors. Au milieu de rien, enjambant le plat bord du bateau pour prendre pied sur une barre rocheuse, une famille descend avec enfants et baluchons. Ils sont arrivés à destination. Le bateau repart aussitôt et nous les observons longuement, aussi intrigués qu'émus, marcher le long de la berge pour atteindre un hameau quelque part.

A l'approche d'un arrêt
Débarquement insolite

Pakbeng, le petit village de montagne où nous passons la nuit est au milieu de la traversée. Encore 9h de navigation le lendemain et nous arrivons à HuayXay, à seulement 10km de la frontière Thaïlandaise.

Frontière Laos-Thaïlande on rentre à droite...
Et on sort à gauche

Cette descente de 800km jusqu'à Bangkok est un vrai casse tête.

Ndlr: ici le mot descente est uniquement utilisé pour imager le trajet nord sud sur une carte, nous l'apprendrons à nos dépens. Jusqu'à présent, notre itinéraire suivait des lieux emblématiques où nous souhaitions passer. Mais pour ce final jusqu'à Bangkok, rien ne nous attire vraiment pour nous guider. Dans ce cas, on s'en remet généralement aux expériences vécues dans les récits des voyageurs. Finalement, une route Est dans la montagne, décrite par un cyclo voyageur dont on taira le nom, retient notre attention.

, La campagne avant la montagne toujours dans cette brume poisseuse

Dès les premières étapes on flaire du pas très catholique. Du peu conforme à la morale des papypedaleurs. Le récit de notre guide improvisé sent la carabistouille à plein nez.

On nous vantait de beaux paysages et on nage dans une brumasse opaque. On nous promettait un temps sec et on cuit dans un four. On nous prédisait quelques côtes et on grimpe des murs en permanence. Sans connaître son pedigree je parierai pour un sauvage type William, (dont je vous ai déjà parlé au Maroc) en plus jeune, (donc en plus con). Le genre d'exalté que rien n'atteint.

Dans notre histoire à nous on est cramoisis, dégoulinants, pantelants, suffocants. Poussant plus que roulant! Les ingénieurs routiers Thaïlandais, qui sortent de la même école que les Laotiens, ne nous proposent que de pentes entre 12 et 16%.

Rien qu'en voyant le panneau j'ai les jambes qui flageolent
On résisté à la pédale tant qu'on peut...
Mais on peut pas toujours
Même les plus forts
Faut dire que par moments c'est un peu exagéré

Jamais pris au dépourvu, vous nous connaissez, on tente des feintes. On fait des biscouettes pour sortir de l'itinéraire, en même temps que de l'enfer. Parfois, la providence alliée à notre instinct, nous trouve de jolies alternatives qui nous sortent du goudron sans pour autant nous faire de cadeaux.

Une jolie piste pour nous tous seuls
Toujours avec quelques surprises
Mais tellement agréable malgré la difficulté

Le 15 mars c'est l'anniversaire de Janine. Le vrai, parce que celui fêté à Luang Prabang c'était juste pour faire un bon resto. Comme elle a déjà eu le repas, aujourd'hui elle a droit au dessert. La meilleure pièce montée qu'elle ait jamais goûtée.

Premier étage bien gratiné
Et paf! En guise de crème une jolie brume bien polluée
Un flambage à 35 degrés avec son lot d'humidité
Et cerise sur le gâteau, toutes les mouches, moustiques et autres insectes qui aiment bien déguster notre transpiration
A la fin on était un peu barbouillés

Au terme de six étapes à ce regime, nous arrivons à Nan, la capitale de la province éponyme. L'hôtel choisi pour une pause de deux jours ne correspond ni à nos goûts, ni à nos habitudes, mais c'est le seul avec piscine et nous aspirons à de la fraîcheur et du bien être.

Le sourire est revenu

Cette ville ne brille pas par son charme, mais elle possède quelques jolis temples, dont le plus célèbre est le Wat Phumin avec sa célèbre peinture murale de "L'homme qui murmurait à l'oreille de sa femme". L'histoire ne dit pas s'il s'agissait de mots doux ou de grossièretés, mais vu l'air malicieux du baratineur et le sourire rêveur de sa belle, je pencherais pour une séance de coquineries en perspective. En tout cas elle est devenue l'emblème de la ville reprise sur tous les support possibles.

L'homme qui murmurait à l'oreille de sa femme

Mais notre coup de cœur va sans conteste au Wanda rice curry. Sois vigilant, la boutique ne paye pas de mine, et tu pourrais passer devant sans même te retourner. Les marmites en alu débordent sur le trottoir, et à l'intérieur, c'est toile cirée sur les tables et chaises en plastique. Par contre, dans l'assiette, c'est le temple des saveurs. Mama Wanda a mis au point une vingtaine de currys différents. Du rouge, du vert, du jaune, au boeuf, au porc, au poulet, façon sauté ou bouillon, tout est bon. Nous prenons conscience chez Wanda, de la médiocrité des curry que nous avions tant aimés jusqu'à présent. Terminés les arrache gueule au chili, ou les doucereux au lait de coco. Ici l'équilibre est parfait entre le piquant et la douceur, le velouté de la sauce et la texture des aliments, quel que soit le type de curry. On y mangeait le midi et on en prenait à emporter pour le soir, parce qu'ils ne font que le service de mi journée. Surtout, si tu passes par Nan, ne loupe pas ce monument de la gastronomie à prix dérisoire.

Chez Wanda t'as pas besoin de mettre le costume
Ici c'est à la bonne franquette
Attention Chef d'œuvre

La veille de notre départ de Nan, nous sommes en plein tarabustage. Je scrute la carte attentivement, pour essayer de trouver une alternative qui nous sorte des pentes assassines. Ce n'est pas que les dénivelés soient énormes, mais il suffit de trois kilomètres à 12%, en pleine chaleur moite, pour nous liquéfier. Et puis ce nuage de pollution permanent, nous prend la tete autant que les poumons, et voile les paysages. Sans parler de gêne respiratoire, nous commençons à ressentir quelques signes alarmants. Le matin, à l'effort, nos voies sont encombrées et la gorge irritée.

Voilà le type de paysages que nous avons
En conséquence de brûlis que nous voyons un peu partout

À cinq heures du matin, comme chaque jour où nous roulons, c'est le rituel du café au lit. Je regarde une dernière fois l'étape du jour, trace des alternatives possibles, puis je consulté mes mails.

Tiens, les Cyclomigrateurs que nous avons croisé à Siem Reap on posté un article sur leur site. Ils roulent en ce moment le long du golfe de Thaïlande et ça a l'air drôlement chouette. Sur les photos on les voit au milieu des cocotiers, le bleu de la mer à leur droite et pas une once de brume à l'horizon.

Mais qu'est ce qu'on fait encore ici ?

C'est maintenant qu'on prend la poudre d'escampette, direction le terminal de bus. Douze heures plus tard, nous sommes à Bangkok prêts à rouler le long de la côte.

Ça, c'est ce que je t'aurais vendu si on était dans un roman, où les écrivains s'arrangent le truc à leur guise. Mais ici c'est du récit bien réel, et avec l'estime que je te porte je ne me permettrais pas de te broder des sornettes.

En réalité le bus était complet, alors on a du attendre le lendemain. Mais c'est quand même pas mal non?

Et puisque tu as lu jusqu'au bout, on t'offre un aperçu des images que tu verras dans le prochain épisode

Avant de nous quitter je ne résisté pas au plaisir de te présenter mon dernier joujou. Dans notre panoplie du parfait petit campeur, tu as déjà fait connaissance avec la chaussette qui refroidit, celle qui réchauffe et le sac poubelle gonfleur. Voici notre réchaud alcool pour le café du matin. Fait maison avec deux canettes de soda sur les conseils de mon ami Olivier, 15 grammes et un encombrement minimum. Adopté pour toujours!

Notre petit dernier en pleine action

On va se baigner et on vous embrasse bien fort.

La procrastination, cette fâcheuse habitude qui consiste à remettre à plus tard ce que nous pourrions faire de suite, touche, excepté quelques psychorigides, la majorité des humains. En état de sédentarité (relative) depuis plus d'un mois, elle m'a frappé de plein fouet. Si bien, qu'atteint de ce comportement "à l'insu de mon plein gré", je me sens un peu moins coupable de l'immense retard pris dans la rédaction de notre final. Voilà l'explication (vaseuse?) de ce silence qui torturait certains de nos suiveurs inquiets pour notre santé, et que nous tenons à remercier de tant de prévenance.

Maintenant que le blabla est posé, place à l'action.

Au terme de notre quête à mettre le plus de distance possible entre le duo pentesassassines-airvicié et nos estimées carcasses, nous arrivons à Bangkok à la nuit tombée, après 12h de bus.

Pour rejoindre notre hotel à 8km de la gare routière, nous optons pour une partie de pédalage qui nous degourdira les jambes, plutôt qu'un transport en commun hypothétique et fastidieux avec les vélos. Contrairement à beaucoup de cyclo voyageurs, rouler dans les grandes villes ne nous effraie pas. Je dirais même qu'il y a un côté amusant à se laisser guider sur les itinéraires vélo par notre application de routage.

Lorsque nous avons eu l'idée de ce final improvisé, nous avions imaginé de descendre de Bangkok au sud du golfe de Thaïlande en transport en commun, puis remonter tranquillement les 500 à 600km à vélo, jusqu'à Bangkok. Mais ce matin, la perspective d'une deuxième journée de suite de transports en commun, nous donne de l'urticaire. Nous avons besoin d'action tout de suite, alors nous descendrons au sud à vélo et remonterons quand il sera temps. Pour sortir au plus vite de cette ville tentaculaire, nous imaginons l'équation suivante: (velo12k+(train de banlieueX2)+(transbordeurX2)+vélo24k), que nous résolvons en même pas six heures, et PAF! nous sommes au bord de la mer. Vous moquez pas c'est un exploit !

Janine casaque jaune a fort à faire dans le flot des deux roues
Les trains de banlieue où l'on peut monter dans les wagons avec les vélos. Une découverte inestimable.
Entre chaque ligne de train les transbordeurs pour franchir les rivières

Cette journée de triathlon (vélo-train-bateau) destinée à sortir des zones urbanisées ne se distingue pas par ses paysages. Par contre, pour une journée de déplacement improvisé, nous sommes très fiers de notre timing parfait entre trains et transbordeurs avec un maximum de 10mn d'attente à chaque fois. Et que dire de cette arrivée magique au cœur du marché de Mae Klong, avec les auvents des étals qui se baissent devant la locomotive pour dégager la voie, et se relèvent aussitôt le dernier wagon passé: une curiosité à ne pas manquer.

Final en apothéose avec l'arrivée du train en plein marché à Mae Klong; une curiosité à ne pas manquer.

Apres cette premiere étape, nous rédigeons un cahier des charges très détaillé pour la fin du voyage.

Contexte et définition du projet:

Chassés de notre projet initial par une concordance d'éléments attentant à notre santé physique et mentale, le programme de substitution sera résolument plus orienté tourisme que sport aventure.

Périmètre du projet:

Suivre la côte au plus près sans laisser de côté la moindre plage ou crique.

Objectif 1) Pas de contrainte de kilomètres

Objectif 2) Pas de contrainte temps/pauses/arrêts

Objectif 3) Pas de contraintes tout court

Description des besoins du projet:

- des plages paradisiaques.

- des hébergements sur des plages paradisiaques.

- des restaurants sur des plages paradisiaques.

Préceptes :

- Si tu as le choix entre une étape de 30km ou 50km, reste sur place.

- Si tu as le choix entre un bungalow avec ou sans terrasse, prends la suite royale sur la plage.

- Si tu as le choix entre des crevettes ou une langouste, prends deux langoustes.

Finalité du projet: Plaisir no limit !

Marais salants de Ban Laem entre bouche bé et chair de poule

Sur la deuxième étape, à défaut de plages paradisiaques nous traversons une zone de marais salants, aussi pittoresque par sa beauté, qu'effrayante par les conditions de travail.

Un soleil de plomb, les pieds dans le sel et très peu de protection. On a mal pour eux.

Hélas, dans notre quête au plaisir absolu, nous avions oublié qu'il n'existe jamais de paradis parfait. En bord de mer, la chaleur est étouffante, écrasante, terrassante. Les 40° à 44° que nous avons quotidiennement, alliés à l'humidité du bord de mer, donnent une température ressentie de 50°. Annonce officielle. D'ailleurs la saison touristique est terminée. Nous avons dépassé la période acceptable pour un organisme occidental. Les français qui séjournent ici durant la période hivernale, nous expliquent que lorsque l'arbre à coton fleurit il est temps de rentrer en France. Pour l'instant, il nous faudrait un seau de crème solaire et une citerne d'eau pour survivre a chaque étape dans cette fournaise. Les départs se font à l'aube et il nous faut terminer l'étape avant midi sous peine de momification.

A Hua Hin, notre hébergement avec ponton terrasse au dessus de l'eau,.nous permet de profiter de la brise marine.

Nous n'avons pas vérifié si l'avenir appartient aux lève-tôt comme le dit l'expression, mais pour les lever de soleil, on confirme. Comme mentionné sur le cahier des charges, nous prenons soin de toujours dormir devant la plage, et on ne supporte pas d'obstacle entre nous et la mer. "Oui, je crains que nous soyons momentanément devenus irrécupérables". Le rendez-vous avec l'astre est ainsi ponctuel tous les matins, pour déguster, en même temps que notre café, un moment de contemplation unique avant notre étape du jour.

Les pieds dans le sable...
sur la terrasse de l'hébergement...
dans le hamac...
ou sous la paillote...
toujours aux premières loges pour le spectacle matinal

Sur le vélo, la transpiration qui dégouline sur notre torse alliée à la ventilation produite par notre déplacement (toujours la thermodynamique), nous apporte un semblant de fraîcheur. Mais dès que nous cessons de pédaler et mettons pied à terre c'est le déferlement des eaux. Le ruissellement de nos corps inonde irrémédiablement t-shirts et cuissards, et nous apprenons à vivre imbibés de notre sueur, dans une moiteur permanente.

Ne jamais s'éloigner de la mer...
pour débusquer des coins tranquilles...
avec des plages désertes...
qui nous offrent des intermèdes rafraîchissants en cours d'étape.

Prêts à faire des détours absurdes, nous traquons la petite route qui nous mènera au coin rêvé pour nos trempettes. Au milieu des cocoteraies ou en bord de mer, aucun chemin vicinal, passage rural, ou voie communale n'est écartée jusqu'à trouver notre bonheur. C'est devenu un jeu, et comme la grande majorité des plages sont désertes, nous gagnons presque à chaque coup. À peine pied à terre, Janine a déjà sauté dans son maillot qu'elle avait précautionneusement attaché sur le dessus de son porte bagages. Une course pour traverser le sable très chaud et Plouf!

-Alors comment tu la trouves ?

Jane: parfaite pour la tisane.

-Va au fond elle est plus fraîche.

Jane: tu veux dire moins chaude.

Au final, ces arrêts nous font plus de bien au moral qu'au physique. Le barbotage dans ce potage tiédasse à beau se situer dans un décor de cinéma, il ne nous apporte pas toujours le rafraîchissement qu'attendent nos corps.


Les petites routes au milieu des cocoteraies
Ou en bord de mer
Pour ne rien manquer du spectacle permanent

A hauteur de Chumphon, la date de retour approche et il est temps de rentrer sur Bangkok. Nous savons qu'il faudra trouver cette fois-ci, un train avec wagon de fret pour les vélos, et il vaut mieux partir d'une ville assez grande pour avoir les informations que nous ne trouvons pas en ligne. Mais avant, nous voulons faire une dernière étape à Sawi un minuscule hameau de pêcheurs au dessus de la mangrove, avec logement chez l'habitant.

Hébergement sur pilotis au dessus de la mangrove
Accueillis par des hôtes adorables

Ici aucun hôtel de tourisme. Un hébergement insolite, un environnement remarquable et loin du tourisme de masse, un oncle et une tante (appellation Thaï) aux petits soins, des produits de la mer savoureux et une cuisinière hors pair. Seule la barrière de la langue a contrarié notre plaisir durant les 24h passées dans cette famille.

Ça vaut pas les Belon mais l'omelette aux huîtres était délicieuse.
Et les balades en bord de mer un vrai régal
Au cœur d'un village sans aucune empreinte touristique

Les 42km entre Sawi et Chumphon sont pliés en moins de 3h. À dix heures du matin nous sommes à la gare de Chumphon, pour prendre le gros coup de massue, qui ajouté à la fournaise ambiante, nous assomme pour de bon. Le train pour Bangkok pouvant transporter des vélos ne part qu'à 21h. Autant dire qu'il nous semble improbable de survivre à 11h d'attente dans ce brasier, sans une clim à disposition. Nous sommes bons pour passer la journée dans une chambre d'hôtel. Oui, nous ne sommes que de simples occidentaux!

Mais le pire, comme nous nous y attendions, c'est qu'il ne reste plus une seule place disponible en 1ère ou 2ème classe. Comment dire...la 3ème classe c'est un peu comme dans les reportages des trains de l'impossible. Le wagon est bondé de familles avec baluchons de toute sorte, et une kyrielle d'enfants rieurs, brailleurs, pleurnicheurs, dégueuleurs. Tant qu'à y être, nous aurions aimé quelques poules et un cochon se baladant dans le couloir pour rendre ce recit encore plus pittoresque, mais c'est raté. Après le repas, les petits glissent sous les banquettes et les parents s'entremêlent au-dessus. Ici, la climatisation est remplacée par des fenêtres ouvertes plus deux ventilateurs, dont l'un sorti de son axe fait un raffut du diable. À peine nos fesses posées sur la banquette, le skai colle déjà à nos cuisses, et même en plaquant le bas de notre dos au dosseret, on ne peut éviter de faire du genou à nos voisins d'en face. Une nuit entière au cœur de la classe populaire; une expérience intéressante mais épuisante.

Je tiens 2h au régime boîte à sardines, avant de sortir ma chaise pliante. Je laisse la banquette à Janine qui peut s'étaler, et pars me poser au fond de la voiture, bien installé sur le palier d'entrée, porte ouverte.

Vous auriez beaucoup aimé le cliché volé de Janine sur ma personne, ronflant bouche ouverte, et il aurait parfaitement illustré ce voyage épique, mais vraiment, j'étais pas à mon avantage.

Arrêt petit dej bien mérité à Bangkok après cette nuit mémorable

Nous avons réservé 3 jours pour visiter Bangkok, mais le cœur n'y est pas. La perspective de suffoquer des heures en baignant dans notre transpiration, pour visiter le Palais Royal ou le Wat Pho, nous coupe les jambes. Nous préférons alterner entre sorties dans les quartiers animés à proximité, et trempettes dans la piscine de l'hôtel. Puis le soir, lorsque la température affiche quelques degrés de moins, c'est le tour des marchés de nuit de Chinatown ou Khao San Road.

Le soir, Yaowarat road au cœur de Chinatown est un immense restaurant à ciel ouvert. Sur plus d'un kilomètre, les restaurants de rue se succèdent et étalent une multitude de mets pour la plupart exotiques. Nous voyageons de la classique langouste, à la crêpe suzette revisitée, en passant par la brochette de crocodile, le scorpion grillé ou les larves sautées. Pour manger, il faut jouer des coudes et donner de la voix, tellement ça grouille de monde dans une ambiance ultra bruyante. Les tuk tuk pétaradent, la musique jaillit des bars à grand coups de décibels, et les vendeurs hèlent les passants au rythme de néons publicitaires qui scintillent des deux côtés de la rue.


Yaowarat road encore plus animée la nuit que le jour
Ici tout le monde a quelque chose à vendre
Les stands de nourriture sont parfois démesurés
Parfois insolites
Il faut quelques pauses pour se remettre de cette agitation

Au terme de ces épuisantes réjouissances touristiques, nous rejoignons notre hôtel de Lat Krabang près de l'aéroport, où nous avions laissé nos cartons à vélo.

Nous décidons une fois de plus de faire ce trajet à la pédale, et je suis impatient de découvrir l'itinéraire de 40km, que nous a pondu notre application de routage dans cette jungle urbaine.

Départ pour la dernière étape avant le démontage et la mise en carton de nos bolides

Verdict: un vrai régal!

Ce trajet nous fait découvrir la ville mieux que le meilleur des guides touristiques et le vélo, exprime ici, toute l'étendue de son pouvoir. Dans cette immense fourmilière qu'est Bangkok, nous passons dans de toutes petites ruelles, roulons le long des canaux où les Thaï pêchent depuis leur fenêtre dans une eau saumâtre, nous nous perdons dans des marchés, empruntons des passerelles, traversons au plus vite les quartiers d'affaires, et découvrons cette Mégalopole, kilomètre après kilomètre, à notre manière, qui vaut bien celle d'un tour opérateur.

Attention quartier d'affaires en vue!
Rouler le long des canaux c'est pittoresque mais vaut mieux pas s'endormir
La traversée des marchés tout un programme
Y a plus qu'à rafistoler les cartons, démonter les vélos et emballer

L'Asie du sud-est, que nous ne connaissions pas, est une belle découverte. Il ne s'agit pas, à notre avis, des paysages les plus majestueux que nous ayons pu voir sur l'ensemble de nos voyages, mais la gentillesse de la population et la facilité à trouver hébergements et nourriture partout à un prix abordable, facilitent beaucoup l'itinérance à vélo. L'abondance est telle qu'à part sur Bangkok, nous n'avons jamais réservé nos hébergements à l'avance. Seulement 3 nuits sous tente sur 97, alors que le ratio etait de 57 campements sur 88 nuits aux États-Unis. Idem pour la nourriture. Nous n'avons que très peu fait notre popote, (trop peu à notre goût), au profit des repas au restaurant où de la nourriture de rue. Ce sont des différences notables, qui font gagner du temps, de l'énergie, et simplifient la vie du cyclo voyageur, au détriment peut être de l'aspect aventure. Car assurément, c'est toujours le côté aventure qui reste dans nos souvenirs, le marqueur des moments forts d'un voyage. Le meilleur exemple est la fameuse étape de 70km de piste sur la boucle de Thakhek, avec sentiers ravinés et pentes meurtrières au milieu de la jungle. Malgré le déploiement d'efforts physiques et le combat mental menés, elle reste l'un de nos meilleurs souvenirs de ce voyage.


Bien arrivés a la maison

A vous tous qui nous accompagnez à travers ces récits, merci pour votre suivi et vos commentaires, ils comptent beaucoup plus que vous ne le pensez.