Pour les constipés de la coiffe ou les sodomiseurs de mouches (normalement il n'y en a pas parmi mes lecteurs chéris, mais on n'est jamais à l'abri d'une intrusion malintentionnée) je précise que le "Conquis" du titre, ne s'entend pas comme l'avait exprimé Jules. Imagine un peu, que deux antiquités à bicyclette n'ont aucune présomption de conquête, et surtout pas celle des terres du plus grand conquérant de l'histoire. Non, il faut bien lire que nous avons été envoûtés par ce pays.
A part ça hier soir, nous avons du nous réfugier contrains par une pluie battante, dans un camp pour touristes. Ces Resorts Tourist Camp sous des airs d'accueil dans des yourtes authentiques, offrent toute la panoplie du service impersonnel à un prix prohibitif pour le pays. Mais j'arrête de râler parce que le poêle ronfle dans la yourte, nous sommes au sec et au chaud, et nos affaires sèchent. Demain sera un autre jour.
Au matin nous n'avons plus le choix, il nous faut affronter un nouvel épisode pluvieux. Nos jours de repos sont épuisés (nous aussi) et de toute manière on ne se voyait pas passer une journée d'attente dans ce type d'hébergement. Nous savons que la matinée sera une montée régulière sous la pluie, jusqu'à un col à 2050m. De l'autre côté nous rejoindrons la vallée de l'Orkhom et ça devrait aller mieux.
Toute la pluie tombée depuis hier a complètement savonnée la piste. Il faut chercher la bande herbeuse du milieu ou les bords de piste, pour ne pas pédaler dans la choucroute. Le genre de montée où il vaut mieux prendre sur soi sans perdre patience, parce qu'à ce rythme la montée se fait longue, trèeees longue. Près du sommet, un vent à défriser tous les yaks de la contrée s'associe aux pentes scandaleuses du traditionnel dernier kilomètre, pour finir de nous trucider.
Khashkhan c'est un camp de Gers comme on les aime. Ici pas de services bidon, juste un hébergement décent, de la bonne nourriture, un accueil chaleureux, et en prime une rivière à truites à coté. Une très bonne fin de journée chouchoutés par nos hébergeuses.
A l'approche de Karakorum nous raccourcissons volontairement les deux dernières étapes, pour faire un dernier bivouac au bord de l'Orkhom. Une grande voie de circulation vient d'être ouverte le long de ce parc national. Pour nous qui empruntons l'ancienne piste, c'est un gage de tranquillité redoublé. Durant deux jours notre descente de l'Orkhom prend l'aspect d'un final de rêve. La piste de moins en moins empruntée est réduite par tronçons à des traces infimes, voire pas de traces du tout. Il est nécessaire alors de jouer finement du GPS, jusqu'à trouver une trace réactivée par les nomades alentours.
Le long de l'Orkhom nous apprécions chaque mètre de ce pays envoûtant. Malgré la fatigue plus quelques broutilles de santé, une sensation d'accomplissement énergise nos corps. L'étincelle du cyclo-voyageur comblé brille déjà dans nos yeux. Heureux pour une fois de retrouver bientôt la maison pour reposer nos organismes, mais déjà nostalgiques de tant de moments de bonheur.
Le retour en bus vers Oulan Bator est passé comme une fleur. En voyant nos vélos, le chauffeur à simplement frotté son index et son pouce dans un geste internationalement connu, invitant à mettre la main à la poche. Chauffeur je vous ai compris!
A Oulan Bator, le temps de réencartonner nos machines, nous avons fait la connaissance de Delphine et Gatien. Ces deux là font partie de la famille des baroudeurs comme on aime. Il viennent de passer 4 ans en Australie dans une ferme, où Delphine pilotait des moissonneuses batteuses que même pas tu penserais que ça existe. Le truc où t'as pas assez d'essence dans la mobylette pour faire le tour. Le machin avec lequel tu pourrais tondre tous les jardins de Versailles d'un coup. Gatien lui, s'occupait de la maintenance. Ils ont décidé de rentrer au pays mais ils prennent le temps. Partis depuis 6 mois, ça devrait leur prendre encore environ un an pour rentrer at home. Ils s'intéressent dans le détail à notre virée, posent des dizaines de questions et semblent excités par nos récits. C'est que depuis quelque temps, un petit vélo trotte dans leur tête les titillant à changer de mode de voyage. Le lendemain matin, "Pèlerins des steppes" les a tellement emballés qu'ils partent acheter des vélos. Nous leur avons mis le "pied à la pédale" de notre mieux, et il doivent actuellement rouler sur nos traces. On adore!
Vous avez compris, nous sommes sous le charme de ce voyage.
Cette destination sort du lot de tout ce que nous avons vécu à deux roues jusqu'à présent. Elle ne se distingue pas par la grandeur de paysages spectaculaires comme ceux des parcs américains, des montagnes andines, des salars boliviens ou des glaciers de Patagonie. Mais combien de kilomètres quelconques voire insipides, il est nécessaire de parcourir pour aller d'un site remarquable à l'autre dans le continent américain. Le charme de la Mongolie tient à sa densité de délicieux. Ici, rien à jeter. Pas un kilomètre qui nous laisse indifférents. Pas un matin où l'on n'enfourche le vélo avec la banane. Et pourtant, pour des yeux non avisés, la steppe Mongole pourrait presque devenir monotone tant les paysages sont en général semblables. Mais à vélo la magie des grands espaces opère immédiatement. Est ce que cette félicité tient au sentiment de liberté que procurent ces paysages? A l'absolue tranquillité qui domine dans ces étendues? A la sensation d'isolement qui règne sur les pistes ? Ou à l'émotion de vivre quelque chose d'unique ?
Sûrement un peu de tout ça qui nous amène à prétendre que la Mongolie est la destination parfaite pour les voyageurs à vélo, amateurs de liberté, de nature et de grands espaces.
Ce voyage nous a tellement marqué que nous avons décidé, en toute modestie, de faire un petit bilan et donner quelques repères sur cette destination, d'après notre propre expérience.
Matériel
Nous avons opté pour des vélos type VTT avec fourche hydraulique à l'avant et pneus de 29X2,25 avec bande de roulement au centre et crampons à l'extérieur. Après 1500km au total, dont 1400km de pistes, nous pouvons confirmer que ce type de matériel apporte du confort et de la sécurité. Les poignées ergonomiques sont loin d'être un gadget aussi à notre avis. Bien sur le choix de ce type d'équipement se fait au détriment de la légèreté, mais nous validons tout de même à 100%. Pour la maintenance nous avions emporté quelques vis de rechange, des colliers, une patte de dérailleur et un bon ruban adhésif. Tout nous a servi sur ces pistes où le matériel souffre beaucoup. Malgré une inspection régulière nous avons eu un insert de support de porte bagages foiré, que nous avons fait tenir au scotch et collier de serrage jusqu'à la fin du voyage.
Côté popote nous sommes partis avec un réchaud multi-combustible et l'avons regretté. Les bouteilles de gaz allongées sont présentes dans tous les commerces. Il faut simplement s'équiper de l'adaptateur adéquat pour ce type de bouteilles.
Eau nourriture
On trouve des commerces dans tous les villages mêmes les plus petits. Evidemment il ne faut pas s'attendre à un choix à l'Européenne, mais toujours des noodles et des conserves d'un assortiment de légumes que l'on recommande. Lorsqu'il y avait un restaurant dans le village, et c'est souvent le cas, il nous est arrivé de commander un deuxième repas à emporter pour le lendemain.
L'eau en bouteilles est également présente dans tous les commerces. Nous avons amené un sac à eau de 10L résistant, et un filtre à eau. Lorsqu'il n'était pas possible de bivouaquer à coté d'un point d'eau, nous repérions sur les cartes le point d'eau le plus proche du bivouac pour se charger le moins longtemps possible.
Il est bon de préciser que l'eau courante n'existe pas dans les petits villages. C'est un bien précieux que les habitants vont chercher au puits ou dans la rivière. Par conséquent on ne vous proposera jamais d'eau dans les hébergements, sous quelque contenant que ce soit. Vous devrez demander un bidon et vous dégoter une bassine pour faire une toilette de luxe.
Energie
Nous sommes partis avec un chargeur solaire plus des batteries externes. Ca peut paraitre un peu surdimensionné mais il faut savoir que nous utilisons le GPS de nos téléphones toute la journée avec des applications de guidage. Dans les faits, il est tout à fait possible de se passer d'un chargeur solaire avec une batterie assez puissante, parce que nous n'avons jamais passé plus de 3 jours sans pouvoir recharger notre matériel.
Communication
Le réseau mobile est présent dans quasiment tous les villages et les cartes de données sont très économiques. Nous avons acheté des cartes à Oulan Bator que nous avons rechargé en ligne en cours de voyage. C'était très frustrant de ne pas pouvoir communiquer mieux avec les locaux, qu'il s'agisse des nomades lors des bivouac ou des villageois. Ils comprennent à peu près ce que nous leur disons grace à google translate (qu'il faut télécharger pour en disposer hors ligne), mais ils sont incapables de communiquer avec notre alphabet. Nous avons compris trop tard, qu'il était indispensable de télécharger sur nos téléphones un clavier cyrillique mongol, afin qu'ils puissent s'exprimer.
Paiement
Attention vous allez devenir riches. Dès 150€ vous passez à un montant à 7 chiffres dans la monnaie locale. C'est un peu déroutant. Nous nous sommes longtemps interrogés sur les possibilités de retrait dans les villages et, en prolongement, sur la quantité de cash à amener. En réalité on trouve toujours des distributeurs dans les villages, mais il n'est possible de retirer que des toutes petites sommes. Par contre, a notre grande surprise, il est possible de payer par carte dans la grande majorité des commerces mais pas dans les hotels, sauf si les propriétaires possèdent également un commerce.
Orientation
Comme toujours nous avons roulé avec Oruxmaps notre application de guidage préférée. Il faut un temps de pratique avant de maitriser les principales fonctions. Mais ensuite elle est à mon avis, la plus complète, la plus lisible, et la moins gourmande en batterie. Il est nécessaire néanmoins de charger de bonnes cartes. Comme nous l'avons déjà évoqué, les pistes sont souvent modifiées ou abandonnées d'une saison à l'autre. Il nous est arrivé à plusieurs reprises de sortir de l'itinéraire sans nous en apercevoir.
Un énorme merci de nous avoir accompagnés, soutenus, encouragés, flattés, et tout simplement d'avoir tissé un lien avec nous durant ce voyage. Grace à vous nous étions moins seuls dans ces grandes étendues et poussions plus fort dans les pentes cauchemardesques.
On se donne rencard du côté du Mexique, dès que les vieilles peaux ont récupéré.