Carnet de voyage

Printemps Ibérique

6 étapes
55 commentaires
Envie de nature, de liberté, d'évasion, de soleil, de terrasses de bar ouvertes, de petits restos sympas. Nous misons sur le printemps Ibérique pour nous offrir tout ça...avec l'absolution de M. COVID
Avril 2021
6 semaines
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27
avr

L'aventurier est défini comme une personne qui se confronte à des univers qui ne lui sont pas familiers, par simple goût de l'inconnu.

Partir le matin sans savoir où nous dormirons le soir, franchir une rivière qui a défoncé la piste que nous suivons, pousser nos mulets dans le sable ou des cailloux durant des heures, ce sont des moments de vie que nous avons traversés sans sentiment de frayeur ni de danger. Pour autant, au plus profond de la cordillère des Andes, dans le désert d'Atacama ou sur le salar d'Uyuni, sur les pistes de Patagonie ou dans la pampa Argentine, à aucun moment nous avons eu l'impression de faire partie de ces femmes et hommes que l'on nomme aventuriers, même si c'est un nom dont on nous a souvent qualifié au cours de nos voyages à vélo.

 Et si la vraie aventure ce n'était pas ça !

Ce coup ci, la donne est un peu différente! Non pas que nous projetions d'aller dans un milieu hostile; l'Euro vélo 1 qui descend au sud de l'Espagne et remonte par la côte du Portugal ne présente pas de danger particulier. L'inconnue pour ce début de voyage tient plutôt dans la situation que nous vivons en ce moment, avec des restrictions d'horaires et de déplacements différents d'une région, ou d'un pays à l'autre, si bien que nous ne savons jamais si nous sommes vraiment dans les clous des règles imposées, ou non. Mais voilà, le besoin de changer de rythme était trop fort, alors direction Salamanque pour une chevauchée de six semaines sur nos destriers à pédales en espérant que ça s'arrange rapidement.


Quand on en est là, ça sent bon le départ !

Première étape validée ! Nous sommes arrivés à Salamanque sans contrôle, ni côté français, ni côté espagnol. Et le moins que l'on puisse dire c'est que le changement est radical, ça grouille de monde dans le centre historique. Les terrasses de bars sont pleines à craquer et j'avoue que c'est bon de retrouver un peu de vie d'avant.....dans le respect des règles sanitaires, évidemment.

Brutal déconfinement à Salamanque

Nous profitons de notre tournée des bistrots pour visiter, en passant, les belles pierres du centre historique et il faut reconnaître que la réputation de la ville n'est pas surfaite. Pierres taillées, portails en bois sculptés, sols dallés, la Plaza Mayor et les deux cathédrales, le centre historique possède un patrimoine architectural de toute beauté qui lui a valu son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco.

Petit tour dans la centre historique de Salamanque

Le lendemain, tout juste sorti de l'hôtel, je n'avais donné que quelques coups de pédale quand j'entends crier derrière moi, "Richaaaaard". Durant un éclair de seconde j'ai pensé que c'était une jolie castillane faisant partie des nombreux fans de Papypédale qui m'avait reconnu sur mon vélo, mais non, c'était ma chérie en mode panique qui avait perdu son téléphone. Avouez que ça tient de l'exploit ! Larguer son téléphone cinq minutes après le départ de la première étape, c'est une belle performance que Janine, la fille de tous les défis est capable de relever. Je vous passe les détails de ma course à rebrousse chemin en appelant le téléphone de Madame toutes les 15", pendant que Janine activait la localisation depuis sa tablette. Tout ça au milieu d'un parc et des promeneurs matinaux, notre image d'aventuriers en a pris un coup.Deux heures plus tard l'appareil était localisé, l'activation de ce dernier forcée et un message envoyé avec un numéro pour nous joindre. Aussitôt ma sonnerie retentit, on nous ramène le téléphone à l'hôtel. Jusqu'à quand les dieux seront ils avec nous?

A la recherche du téléphone perdu, c'est ça l'aventure !

Attention ! Exercice de révision pour nos plus fidèles lecteurs :

Au cours de quel autre voyage Janine avait déjà perdu son téléphone? On attend vos réponses dans les commentaires de cet article et on note les faineants qui ne lisent pas nos articles jusqu'au bout hihihihi. De nombreux lots à gagner pour toutes les bonnes réponses dont un abonnement à vie à ce magnifique blog et un masque signé Papypédale.

Après avoir joué aux détectives nous pouvons enfin prendre la route pour de bon et profiter de tout ce que nous propose cette EV1. Le tracé pour descendre dans le sud de l'Espagne ne tire pas au plus court mais il nous conduit à travers de toutes petites routes sans aucune circulation qui sont un vrai enchantement pour l'instant. Au sud de la région de Castilla y Leon nous traversons d'immenses propriètés agricoles (Les Fincas), avec très peu de zones boisées.

Sur les petites routes de Castilla y Leon au milieu des Fincas

En passant en Extremadura les Fincas dominent toujours le paysage, mais la couverture forestière est partout et admirablement entretenue. On entre dans la région des Ganaderias, où le bétail; taureaux, vaches, moutons et porcs ibériques paissent sous les chênes liège ou les olivers, une herbe d'un vert tendre que l'on croirait fraichement tondue.

Un grand plaisir de rouler dans la campagne Extremena

Question météo c'est pas encore le top, mais le mauvais temps espagnol laisse toujours un peu de répit. Le ciel alterne entre le bleu azur, le gris tendre (c'est une couleur que je viens d'inventer) et le noir clair (celle là aussi), avec parfois une bonne rincée pour nous rappeler que c'est lui qui décide, non mais faudrait pas croire quand même. C'est par ailleurs ce qu'il nous a servi durant toute la montée au col de Bejar jusqu'à 1330m.

Une montée sous la pluie, une pause bien fraiche en haut du col de Bejar et une descente glaciale

Côté ravitaillement nous avons rapidement pris le rythme de voyage. Petite pause à la mi journée sur la route et grande pause le soir avec bibine, tapas et tout le tralala. Pour dormir, comme la météo ne veut rien écouter et qu'on commence à prendre de l'âge, pour l'instant on a choisi des hébergements en dur. Mais dès que le beau reviendra et que nous rajeunirons, on se tentera un petit bivouac. Voilà, notre périple démarre on ne peut mieux et on se donne raison d'avoir tenté l'escapade, malgré tous les echos négatifs dont les médias nous rabattent les oreilles. En passant, on vous informe que la Guardia Civil se fout royalement que l'on passe d'une région à l'autre et nous on fait le plein de liberté, de grands espaces, de jamon iberico et de manchego.

La pause du midi et une bonne occasion de trinquer à notre petite virée.

Nous sommes aujourd'hui à Plasencia où nous faisons une petite pause et demain nous reprenons la route. On vous embrasse bien fort et on vous souhaite bon courage pour le sprint final.

Hasta la vista amigos!

Arrivée à Plasencia, encore une ville pleine d'histoire et de belles pierres.
6
mai

Imaginez vous arrivant aux Antilles et devoir enfiler chaussettes, gants et doudoune. Là, vous vous dites qu'il y a tromperie sur la marchandise, publicité mensongère. En plein réchauffement climatique c'est inacceptable! Et bien nous c'est pareil ! Quand on programme une virée vélo au sud de l'Espagne fin avril, on se dit que franchement, c'est pas la peine d'amener les tenues de ski. Ben les amis, le matin sur le vélo il faut mettre tout ce qu'on a sur le dos, et en bas...j'ai qu'un cuissard court. El sol ne se montre que très rarement et un vent glacial pleine face joue avec les nerfs de Janine toute la journée. Honnêtement on râle pas parce qu'on est sur le blog du positivisme mais on se les caille grave.

On est bien au sud de l'Espagne mais il faut rester couvert

Les paysages varient peu le long de l'EV1 où les dehesas sont omniprésentes. Ces paturages en sous bois clairsemé de chênes verts ou chênes liège, seraient des domaines municipaux la plupart du temps. Ce mode d'exploitation ancestral et très commun dans la zone sud-ouest de la peninsule Ibérique permet de nourrir le bétail et récolter les produits forestiers à l'exception du bois. Vaches, taureaux, brebis ou porcs ibériques paissent tranquillement dans ces étendues énormes qui paraissent toujours être entretenues soigneusement. Voilà pour l'instant culturel, que vous ne pensiez pas qu'on ne fait que pédaler.

Elles sont pas bien là les bebêtes !
Tout ce bétail est bien sûr surveillé par les cigognes
Illustration parfaite de la dehesa avec l'Hacienda qui domine

De notre coté on commence à prendre nos marques. Chaque voyage est un nouveau recommencement, avec son lot d'inconfort par moments, d'habitudes et rèflexes à acquérir et d'incertitudes à accepter. Mais c'est ce que nous venons chercher. Couper avec le quotidien, vivre en plein air au maximum et se contenter du minimum. Tout est dans nos sacoches pour un mois et demi et bonne nouvelle, au bout de 10 jours nous n'avons plus besoin de vider tout le sac pour trouver nos affaires. Sur le vélo nos organismes se dérouillent tranquillement. Après l'excitation des premières étapes où notre envie de pédaler dépasse le raisonnable pour de vieilles carcasses, ces dernières nous exhortent à calmer le jeu. Alors on raccourcit les étapes s'il le faut et la pédale douce se met automatiquement en marche, à un rythme régulier. Cette activité physique régulière fait aussi, intégralement partie de ce que nous venons chercher dans ces escapades à vélo. Un effort constant et quotidien que nous avons du mal à mettre en pratique à la maison, mais qui nous régénère au fil du voyage. Notre physique et notre mental s'endurcissent, nos corps se transforment, nos besoins se résument à l'essentiel: manger, dormir, avancer, profiter.

Pédaler pour se sentir mieux
Au petit matin suivis par nos ombres le long des vignes

Peu avant Miajadas on est surmotivés pour notre premier bivouac. Les jolis coins pour planter la tente ne manquent pas mais nous ne trouvons qu'une succession de dehesas clôturées avec des portails aux cadenas inviolables. Passer bonhommes, sacoches et vélos par dessus la côture serait une possibilité mais l'idée de jouer aux toréadors en pleine nuit ne nous tente pas vraiment. Alors, puisque les espaces naturels se refusent à nous, nous ferons dorénavant notre nid éphémère dans les espaces publics. A Miajadas ce sera sur un complexe sportif en périphérie du village au bord d'une lagune, à Villafranca de los Barros sur une aire de pique nique au milieu des locaux venus célébrer la fête des mères avec méchoui et musique à fond, et à Canaveral de Leon bien tranquilles au fond d'un ermitage où seuls quelques promeneurs viennent soulager leur chien. L'adaptation c'est le quotidien du voyage.

Miajadas peinards dans notre complexe sportif
Villafranca de los Barros un bon moment avec les locaux, un peu bruyants quand même.
Canaveral de Leon en jouant les Ermites

Après nos bivouacs nous contactons un membre du réseau d'accueil de cyclovoyageurs warmshower comme nous le faisons à l'occasion, pour discuter voyages et en apprendre un peu plus sur leur zone qu'ils connaissent parfaitement. Pas de chance, notre hôte est sur son vélo en route vers Compostelle. Mais pas de panique, en bon spécialiste de l'accueil il s'occupe de nous à distance et nous concocte un programme aux petits oignons. Sa réactivité est stupéfiante! A peine ma demande envoyée nous recevons une vidéo explicative de l'endroit où nous pouvons loger, qu'il a parfaitement aménagé pour l'accueil des cyclos. Surprise! l'antre se trouve dans un parking souterrain et la vidéo explicative est digne d'un épisode de Mission Impossible. Tout y était, code d'accès, cache des clefs, recommandations de sécurite, pour un peu on s'attendait au message traditionnel de fin, "Cette bande se détruira automatiquement après avoir été visionnée". Sympa, original et finalement confortable, une nouvelle expérience.

A la recherche de la chambre mystère

En vélo, lorsqu'un panneau nous indique route barrée à xx km, on ne se pose même pas la question, on fonce. Une route barrée ça à l'avantage de ne plus avoir de circulation et les vélos ça passe partout, nous avons fait l'expérience des dizaines de fois. Quelques kilomètres plus loin l'EV1, comme la ciclovia il y a quelques mois en Sardaigne, nous fait sa première cachoterie. La voie de circulation est noyée par une rivière sur une centaine de mètres, et même avec notre goût pour les défis et des pneus bien gonflés, la traversée ne nous tente pas du tout. Bilan, un détour de 15km sur une piste parallèle à l'autoroute, avec des pentes dont nos cuisses s'en souviennent encore.

Oui je sais, mais c'est pas gentil de se moquer.

Nous venons de passer en Andalousie et le changement est notable. La météo est excellente et les températures on bien grimpé, nous permettant de rouler quasiment dès le matin en jambes et manches courtes, et de nous attraper de bonnes suées dans les grimpettes. Les tons ocres remplacent le vert de la végétation d'Extremadura et les constructions en pierre ont fait place à des villes blanches aux toits rouges. Sans être des fanas de patrimoine architectural nous avons été impressionnés par la beauté des villes d'Extrémadura, comme Salamanca, Plasencia, Trujillo ou Merida en particulier.

Vue depuis notre chambre de la place de Trujillo
Merida et ses surprenantes ruines romaines présentes partout dans la ville.
Arrivés en Andalousie

Dans deux étapes nous serons à la frontière Portugaise mais le passage est plus qu'incertain. A priori les frontières sont ouvertes mais pas pour n'importe qui, et comme nous considérons que nous ne sommes pas n'importe qui, on va tenter le coup. Avant il faudra tout de même faire un test PCR et accueillir nos copains de voyage d'Amérique du Sud, Evelyne et William, qui arrivent pour pédaler avec nous, Youpiiiiii.


Un abrazo fuerte et profitez du déconfinement progressif.

17
mai

Adieu la Costa do Algarve, le bacalhau, les pasteis de nata et le vino verde. Oui on a joué les frileux, on s'est dégonflé, on est des petits joueurs, appelez ça comme vous voulez mais voilà, c'est décidé ! Les dernières nouvelles des mesures ne nous étaient pas vraiment favorables et l'idée de jouer à cache-cache avec la policia puis se retrouver en quarantaine dans un hôtel durant 15 jours ne collait pas à nos aspirations. A une étape de la frontière demi tour toute, direction Séville. On se consolera avec du flamenco, des sévillanas, du Jerez, du jabugo iberico de bellota 5 jotas (le meilleur jambon du monde pour les initiés), et la méditerranée qui nous promet des baignades bien plus tempérées que l'atlantique. Pour tout vous dire on a la banane !

Notre arrivée à Seville l'incontournable 

Avant notre décision définitive, au cours de notre descente plein sud, l'EV1 nous a encore réservé de belles étapes et joué quelques tours parfois... pleins de malice. Nous traversons Rivera de Huelva par une Sierra superbe aux pentes redoutables, qui nous conduit jusqu'à Minas de Rio Tinto. Une ville connue pour ces mines de cuivre à ciel ouvert où on ne passera pas nos vacances.

Rivera de Huelva et les jolies routes de la Sierra d'Aracena 
Emerveillés par la belle nature de Minas de Rio Tinto 

A partir de Minas de Rio Tinto l'EV1 emprunte une voie verte, sur au minimum 60km, alors on se réjouit d'avance du joli bivouac perdu dans la nature que l'on va trouver. A peine sortis de Rio Tinto il fait chaud, de plus en plus chaud. La voie verte qui nous a alléchée au début avec une belle terre bien tassée sur laquelle nos montures défilent à la moindre sollicitation, nous sert progressivement un gravier de plus en plus défoncé, pour finir par un single de VTT en passant par quelques incursions dans des propriètés privées où on se fait courser par les chiens. Ajoutez à ça un chemin bordé par des clôtures à n'en plus finir et voilà des sourires qui se figent, des jurons qui fusent et des rêves qui s'envolent. On n'aspire qu'à une chose, arriver à Valverde del Camino, trouver de l'ombre, et un hôtel avec une bonne douche. Quand le confort est à portée de main notre volonté s'effrite. J'en vois qui se moquent, mais ne vous inquietez pas j'ai noté les noms.

Quand la voie verte était un plaisir 
Quand elle jouait avec nos nerfs 
Et deux manières différentes de récupérer 

C'est à Gibraleon que notre changement de plan démarre. Deux étapes pour rejoindre Séville et nos amis Willian et Evelyne qui ont bataillé ferme avec des résultats de tests reçus une demie heure après ce qui aurait du être leur vol. Changement de billets, re-tests, annulation d'hôtel à Séville, la plaisanterie du labo coûte cher mais trois jours après le plan initial les voilà à Séville.

En route vers Séville surveillée par le maître des lieux 
Arrivée dans la capitale Andalouse par le chemin des écoliers avec quelques péripéties quand même 

Nous sommes totalement conquis par Séville. Tout nous plaît dans cette ville où le temps semble suspendu et ses habitants toujours heureux et insouciants. De la plaza de toros à l'Alcazar en passant par les innombrables petites ruelles et leurs bodeguitas sorties d'un autre temps, des jardins Andalous à la monumentale Plaza de Espana où se produisent des danseuses de Sevillanas et de Flamenco dans un spectacle de rue de grande qualité, tout respire la tradition et c'est un enchantement permanent pour nous. La nuit l'ambiance est magique. Habitués à prendre le frais dès que le soleil décline, les Sévillans sont tous dans la rue et les terrasses des bodegas sont pleines, bien que l'on soit en milieu de semaine. Ça parle fort, ça s'interpelle, ça mange des tapas en buvant de la manzanilla, les gosses jouent dans la rue et nous, on se fond dans cette masse qui grouille de vie et on aime ça.

 Séville l’ensorceleuse
Retrouvailles avec William et Evelyne 

Après deux jours de repos et de visites il est temps d'attaquer notre descente vers Cadix d'où partira notre nouvel itinéraire sur l'Euro vélo 8. Il s'agît d'une vélo route, ou plutôt d'un projet de vélo route le long de la côte méditerranéenne espagnole qui est loin d'être achevé. Nous avons récuperé les traces GPS et on s'attend à des surprises mais c'est ce qui nous plait. Dans note nouveau plan nous envisageons de remonter la côte jusqu'à Valencia puis de couper vers Madrid et enfin Salamanque où nous attend notre voiture. Tout ne se fera peut être pas à vélo, en fonction de notre envie et de ce que nous trouverons de plaisant.

En route vers Cadix le long du Parc National de Donana 
Avec des étapes où nous apprécions le charme des villages Andalous 

A Cadix le charme n'opère pas vraiment, tellement nous sommes encore imprégnés de la beauté de Séville. Par contre l'Euro vélo 8 nous fait une entame des plus prometteuses, avec petits chemins dans le sable cotes tueuses et tutti quanti. On se rend compte que notre parcours jusqu'ici était une véritable promenade de santé et qu'il faudra vite se mettre en forme si on veut supporter ses caprices, d'autant plus qu'il fait de plus en plus chaud. Nous avons dépassé les trente degrés depuis deux jours, l'air extrêmement sec cartonne nos palais, la consommation d'eau a bien augmenté et on ne se prive pas de quelques baignades réparatrices en cours de route.

Contents de retrouver la mer avec vue sur les côtes africaines et rouler sur le sable dur  
Surprenante et superbe Euro Vélo 8 

En arrivant sur Bolonia où nous avons prévu de nous reposer deux jours, nous avons un pincement au coeur. C'est un site réputé dans le monde entier pour ses conditions favorables au kite et à la planche à voile que nous pratiquions assidûment il y a quelques années. Nous avons fréquenté Bolonia et Tarifa pendant des années à raison de deux fois par an, depuis que les enfants étaient tout petits et le flot de souvenirs qui remonte nous touche particulièrement.

L'arrivée sur Bolonia par la route du phare de Zahara 

A bientôt pour des nouvelles méditerranéennes

21
mai

D'accord la rime est facile et de surcroît pas terrible, mais c'est tellement vrai !

Deux jours de relâche à Bolonia pour se ressourcer et faire le plein de beaux souvenirs. Le lendemain de notre arrivée, après la cohue du week-end, nous retrouvons la baie et le village tel que nous le connaissions. Les vaches se promènent encore sur la plage, la balade au bord de l'eau toujours aussi agréable, le sable est doux sous nos pieds, et la bière du Chiringuito face à la côte Marocaine, qui semble à portée de main, toujours aussi fraîche. Que du bonheur !

Bolonia, le spot parfait pour une halte détente 

Pour passer de l'Atlantique à la Méditerranée l'EV8 a eu la bonne idée de quitter la côte et éviter ainsi toute la zone d'Algéciras et l'accès à Gibraltar. A la place, le tracé dans les terres depuis Facinas jusqu'à San Roque, qui traverse le Parc Naturel de Los Alcornocales est une pure merveille. Beaucoup de piste et pas mal de dénivelé, mais une nature magnifique et pas une voiture. Une étape qui restera dans nos mémoires.

Nous sommes bien sur l'Euro Vélo 8 
 Passage par le Parc Los Alcornocales, avec les effets de brume propre au détroit, recommandé

Quelques kilomètres après San Roque commence la Costa del Sol, en même temps que notre calvaire. Jusqu'à Malaga c'est pratiquement 200 km de littoral urbanisé sans interruption, où la démesure du tourisme à outrance prend tout son sens. Au fil des kilomètres les questions se bousculent dans nos têtes, sans que nous trouvions des réponses logiques. Comment des élus ont ils accepté de saccager ainsi la côte? Mais surtout, qu'est ce qui pousse les gens à acheter un bien de vacances ou louer un appartement au 10ème étage pour s'agglutiner par dizaines de milliers autour de plages qui n'ont aucun charme? Il est évident que nous n'avons pas tous les mêmes valeurs.

La Costa del Sol c'est ça en plus moche sur 200 km 

Évidemment, pour accéder au béton, il faut du goudron, et si possible au ras du littoral afin que les vacanciers puissent admirer de leur volant tout ce que cachent des milliers de résidences, villas et hôtels de luxe. Du coup notre progression alterne entre 2X2 voies sans accotement, au milieu du flot incessant de voitures, et paseo en bord de mer au milieu des piétons.

Ici pas d'alternative, c'est soit autoroute ou paseo 

Heureusement, il semble que les communes prennent progressivement conscience de leurs erreurs et récupèrent peu à peu l'espace public du bord de mer qu'hôtels et paillotes s'étaient allègrement appropriés. Nous pouvons ainsi profiter de magnifiques chemins ou passerelles de promenade récemments consruits, pour rouler sur des kilomètres au bord de l'eau.


Une autre bonne alternative à la 2X2 voies 

Parfois, quelques rares restaurateurs récalcitrants ont tendance à grignoter de la place sur la voie cyclo-piéton, si bien que nous perdons la piste. Nous voilà alors obligés de contourner leur établissement, en passant sur leur terrasse avec nos gros vélos. L'un d'eux s'est offusqué de nous voir prendre autant de liberté dans une propriété privé, et nous l'a clairement fait savoir. Aussitôt, une conversation hautement philosophique s'est engagée avec le son poussé au maximum et la belle gestuelle propre aux latins, concernant les limites et priorités entre public et privé. Un beau sujet d'examen.

Tous ces privilégiés qui disposaient précédemment d'une vue sur mer exclusive, profitent maintenant d'une distraction supplémentaire, avec passage de vélos garanti. Pauvre de nous !

La folie du bord de mer et nous au milieu 

Rassurez vous, cette hérésie urbanistique n'atteint pas notre moral. Comme le paysage ne nous propose rien d'intéressant, nous nous concentrons sur ce que l'Espagne fait de mieux; sa nourriture et ses bars à tapas. A la moindre alerte de nos estomacs, nous quittons le bord de mer pour l'intérieur du village à la recherche du bon bar local, notre nouvelle spécialité. Ici, pas de parasols en feuille de palme ni de terrasses en bois, mais des gens qui parlent fort, du mobilier en plastique et surtout une vitrine réfrigérée au comptoir avec plein de petites cochonneries (au sens propre) qu'on adore, pour pas cher. Pour les casse croûte maison nous délaissons les supermarchés à la faveur des petits traiteurs qui font du bien meilleur au même prix. Notre quête à la perte de poids est mal barrée dans ce voyage.

A l'heure de la pause c'est la fête 

Pour la nuit nous essayons de sortir au maximum du tumulte de la ville en trouvant des endroits au calme autant que possible.

Chalet en bois front de mer avec terrasse all inclusive au meilleur prix 
Avec de l'ombre sous les pins c'est pas mal aussi 

Nous sommes actuellement à Grenade, étape incontournable avec la visite de l'Alhambra, que nous avons finalement rejoint en bus en plein épisode pluvieux et après moultes changements de plans.

Un peu de culture à venir dans le prochain épisode avec des Sultants, des Palais, des jardins, des bassins avec de l'eau astucieusement acheminée de la montagne et tout le tralala.

Vous nous manquez, mais on se console avec ce qu'on a.

31
mai

Nous pédalons comme des forcenés dans les rues de Motril sous la pluie, pour essayer d'attraper le bus qui doit nous amener à Grenade. Lorsque nous arrivons à la gare routière 5mn avant le départ, dégoulinants, sans billets, et avec 4 gros vélos, tous les passagers sont déjà installés et le moteur ronronne. Dans un premier temps le chauffeur qui croit à une blague nous reçoit avec un petit sourire, jusqu'à ce qu'il comprenne que l'on veut vraiment prendre le bus. D'un coup, le sourire se change en grimace et nous avons droit à une belle leçon de morale, style gamins qui font tout au dernier moment sans aucune gêne. Nous on dit que oui Monsieur, pardon, on le fera plus, mais nous sommes dimanche, les guichets sont fermes et nous sommes trempés, frigorifiés, et ça marche. En deux deux nous sommes dans le bus direction Grenade avec de grands sourires sous notre masque.


Bien contents de réussir ce coup là

Nous avons quitté la Costa del Sol pour échapper à la folle envolée de construction immobilière du 20ème siècle. En visitant l'Alhambra nous découvrons les majestueuses constructions des palais Nasrides datant du 13ème et 14ème siècle, une autre forme de folie. Nous sommes subjugués par la quiétude qui règne dans les jardins, au milieu de bassins entourés de fleurs, autant que par le contraste entre l'exubérance des sculptures qui ornent systématiquement murs et plafonds et la sobriété d'autres pièces aux murs lisses et blancs. Nous réalisons aussi, que la visite de ce joyau sur fond de Sierra Nevada, ne serait pas la même sans le coup de pouce que nous offre la crise sanitaire (pour une fois), d'être quasiment seuls dans l'enceinte.

Somptueuse Alhambra

Vous l'avez compris, la Costa del Sol nous sort par les yeux, alors il n'est pas question de retourner à Motril à la suite de notre arrêt à Grenade. L'idée ,c'est de faire le tour de la Sierra Nevada, pour rejoindre la côte à Cabo de Gata, en évitant Almeria. Trois étapes dans les terres qui promettent du beau et du sportif, avec le col Blancares à 1440m et une étape au moins à 1200D+. Du coup, on regrette presque d'avoir autant marché à l'Alhambra. Dès la première étape, nous jubilons sur nos vélos dans des décors style western, sur des petites routes sans circulation. Même le dénivelé très régulier, semble tout faire pour ne rien gâcher à la fête. Ça nous change beaucoup de la côte surpeuplée et on se donne raison d'avoir choisi cette option.

Guadix est un village avec beaucoup de maisons troglodytes et nous ne résistons pas à la tentation d'expérimenter une nuit sous roche. Bof ! Ok pour l'insolite, mais pour le plaisir ça ne vaut pas un bivouac au bord de l'eau. Certainement qu'en pleine canicule estivale, ces abris sous roche doivent présenter un certain intérêt, mais en ce qui nous concerne, vivre avec un éclairage artificiel et mettre le duvet pour rentrer dans la maison ça va pour une nuit. Néanmoins le village est adorable, le paysage alentour superbe et le spectacle des cheminées sortant de la roche surprenant.

Guadix le village Andalou qui surprend

En descendant vers la mer nous rentrons dans le désert de Tabernas qui a servi de décor pour des films de western. Le paysage est aride, mais en ce printemps quelques buissons parsèment encore le ton ocre de la sierra, de petites touches vertes. La route est agréable et de nouveau déserte, ça descend tranquillement vers la Méditerranée et nous ne boudons pas notre plaisir.

Traversée du désert de Tabernas

Hélas, cette belle étape qui nous a tant réjoui jusque là, met un coup de frein brutal a notre dose de plaisir en arrivant sur le littoral. Ici, la célèbre mer de plastique de la comarque d'Almeria a remplacée les résidences hôtelières. Les serres immenses où l'agriculture intensive bat son plein, s'étalent a perte de vue alors que nous ne faisons que frôler la zone. C'est étonnant comment notre mode de déplacement catalyse nos émotions en fonction des territoires traversés.


Cauchemar en bord de mer....un film en plastique

Mais on fait abstraction de toute cette mochetée, parce que nous pédalons en mode autistes, attirés par le seul objectif qui occupe nos esprits: le Cabo de Gata. Depuis Bolonia, ce parc naturel est probablement le seul morceau de côte non construit, alors nous allons en profiter. Ce sera notre terrain de jeu durant trois étapes que nous flairons intenses. Ça monte très raide (des passages à 17% avec nos bourricots c'est plus que raide), ça descend, il y a des miradors, des criques pour se baigner, des pistes, encore des criques pour bivouaquer, des petits villages pour se ravitailler et c'est beau, très beau. Bref ! Tout ce que nous attendions depuis un moment de cette côte (sauf les pentes a 17% évidemment), nous tend les bras et nous allons nous y blottir avec plaisir.

Au fond le massif du Cabo de Gata nous attend
Avec ses superbes points de vue et ses pentes a 17%
Ses pistes bordées de buissons en fleurs
D'autres pistes sans fleurs tout aussi belles
Des criques perdues qu'il faut se gagner, avec nos tentes au milieu
Des petites routes avec de beaux paysages
Encore des bivouacs pour se baigner au lever du soleil

Au milieu de ce conte de fées de trois jours, nous déplorons tout de même une nouvelle perte de téléphone, avec de la contrariété, de la localisation, des allers et retours à la guardia civil et une grosse gamelle en prime. Je ne vous fais pas de dessin vous connaissez la rangaine. Dans la famille tête de linotte nous avons maintenant la maman et le papa chanceux.

Nous prenons un jour de repos à San Juan de los Terreros et dès demain nous quitterons la côte direction Murcie d'où nous rejoindrons Madrid en bus. De la capitale, nous remonterons sur nos vélos pour retrouver notre voiture a Salamanque, en passant par Avila. Un joli programme final.

A bientôt pour les dernières étapes et bonne fête à toutes les mamans.

9
juin

A San Juan de los Terreros nous quittons définitivement la mer pour rejoindre Murcie en deux étapes. Les premiers coups de pédale au petit matin coïncident avec les premières gouttes encore timides, qui prendront de l'assurance rapidement, pour finir par s'imposer en torrents sur le reste de la journée. Heureusement les températures sont plus clémentes avec nous que les nuages, si bien que les pantalons de pluie auront fait tout le voyage dans les sacoches. En s'activant, le cuissard est supportable et notre seule tentative de refuge dans un abri bus lors d'un grain, avec des gouttes grosses comme des oeufs de caille (je sais, l'expression n'est pas courante mais les oeufs de pigeon vous ne m'auriez pas cru), nous étions frigorifiés. C'est ce qu'on appelle une étape aquatique !

Ca sent déjà la journée humide au petit matin 
Le plein de pluie sur la route de Murcia 

Ce coup-ci, sur l'étape qui nous amène à Murcie pour prendre le bus vers Madrid, on assure un maximum pour jouer les bons élèves. Lever six heures, étape à fond de train, arrivée à la gare routière deux heures avant le départ du bus, achat de film d'emballage, guidons tournés, selles baissées, vélos emballés; On veut que le chauffeur soit content de nous ! Hélas, avant même qu'il descende de son bus, on comprend que c'est râpé. C'est lui le patron, et il se régale à étaler son petit pouvoir devant les voyageurs qui attendent avec leurs valises. En pointant nos vélos du doigt du haut des ses 3 marches, il demande à ce qu'on revoie le règlement. "Les vélos doivent être démontés et empaquetés dans des caisses", clame t il triomphal, alors qu'il sait parfaitement que la place ne manque pas dans les soutes. On le calme en démontant les roues, mais il s'en fiche déjà puisqu'il a réussi son numéro. Comme prévu, une soute entière attend nos vélos, avec de la place à revendre. En Espagne aussi il y en a !

Sur cette étape nous comprenons également pourquoi la région de Murcie est surnommée le jardin de l'Espagne. Elle nous propose le long de toutes petites routes, des vergers abondants que nous acceptons aimablement en faisant le plein de citrons.

 En route vers Murcie, tout ce qu'il faut pour la citronnade

Madrid c'est plus qu'une étape ! Non seulement Janine ne connait pas, mais je suis impatient de lui faire découvrir la capitale où j'ai vécu jusqu'à l'âge de 8 ans, avec bien sur, le pèlerinage obligatoire dans le quartier de mon enfance: Las Vistillas. Nous avons pris un appartement plein centre, entre la Plaza Mayor et Palacio Real et donc tout près de Las Vistillas. Deux jours complets pour découvrir Madrid, c'est une récréation qui commence dès le matin, avec les churros tous chauds, croquants et bien gras, trempés dans un chocolat très épais. Puis les visites s'enchaînent, tout en se laissant tenter par toutes les copas, tapas, montaditos et autres pinchitos, qui nous taquinent à chaque coin de rue. C'est ce que les madrilènes appellent alternar ou ir de tapas ou de copas. On passe la soirée en sautant d'un bar à l'autre, on picore une anchoi par-ci, une patata brava par là, on parle de sa propre vie, de celle des autres, de tout et de rien, on refait le monde...la vie quoi !

Bien installés pour l'épopée Madrilène 
Parmi nos visites la Churreria du quartier tous les matins, le jardin du Retiro, la Plaza Mayor et ses bodegas dans les caves
Le jardin de Las Vistillas et le 12 rue San Buenaventura....SOUVENIRS, SOUVENIRS 
 Et pour souffler mes 67 bougies, une soirée fruits de mer à la maison avec déco signée Evelyne

Nous quittons Madrid plein Ouest avec nos vélos direction Salamanque, tandis que William et Evelyne partent plein nord en train direction Pampelune, pour faire la traversée des Pyrénées versant Espagnol avant de remonter dans leur Haute Savoie. Plus de trois semaines ensemble à partager votre amitié, votre gentillesse, des bivouacs, des tostadas, les raccourcis à William, des grandes routes avec beaucoup de voitures, des jolies pistes pour nous tous seuls, des qui montent trop, des qu'il faut descendre à pied, des grands moments de convivialité, merci pour tout ça, c'était un régal.

Voyager en groupe ce n'est pas toujours simple, mais que de bons moments!! 

Quitter Madrid à vélo un samedi de Juin à 7h30 par la porte de Tolède c'est un jeu d'enfant. Zéro circulation, ciel légèrement couvert, petite fraîcheur, tout ce qu'il faut pour se sentir bien en attaquant la dernière partie de notre voyage de Madrid à Salamanque. Le compteur affiche à peine 3km lorsque nous traversons le Manzanares pour rentrer dans la Casa de Campo, l'immense parc historique aux portes de Madrid. Nous roulons tranquillement sous les pins et jamais une sortie de grande ville ne nous a paru aussi facile. Une heure et demie plus tard c'est le cauchemar! Nous roulons depuis une dizaine de kilomètres sur des voies de service le long de l'autoroute, le bruit est assourdissant, la bordure de roulement étroite et notre tension extrême. Peu de temps après, Janine me suggère de mettre à la poubelle l'application qui nous a guidé dans cet enfer et de chercher une gare pour rejoindre Salamanque en vie. Finalement je réussis à négocier une alternative qui fait un grand détour par rapport à l'itinéraire proposé par l'application. Plus de kilomètres, mais plus tranquilles et tout le monde est content.

 Quand la sortie de Madrid par la Casa de Campo ressemble à un dimanche à la campagne
 Quand une heure et demie plus tard, malgré la tostada, la vie est un enfer

Aussitôt partis de Guadarrama ça monte direct jusqu'au col de El Alto de Leon à 1511m. Il affiche une moyenne de 6% sur 9 km et comme le matin je suis en mode diesel des années 54, je m'accroche comme je peux à la roue de Janine.

Au col El Alto de Leon Mamie Janine fait l'admiration des jeunes cyclistes du week-end 

Une jolie descente et nous arrivons à El Espinar, une des destinations préférées des Madrilènes pour trouver refuge le week-end dans la fraicheur relative de la sierra. En rentrant dans le village, des affiches bien colorées attirent notre attention. A 18h30 cet après midi, la Plaza de Toros locale retrouvera son animation pour une corrida très attendue. On peut penser ce que l'on veut de ce spectacle tauromachique, mais c'est l'occasion rêvée de découvrir un monument de la culture espagnole. Nos compteurs n'affichent que 20km sur l'étape mais nous nous en contenterons.

Dans l'arène ou sur les gradins, tout est réglé comme du papier à musique. Nous avons l'impression d'assister à une pièce de théâtre où chacun joue son rôle (plus ou moins bien), mais toujours dans le respect de la tradition. Une fresque vivante parfaitement codifiée, où seul le taureau reste nature. Aussitôt après le paseo avec la présentation de tous les acteurs, la bête est lâchée. Nous sommes immédiatement subjugués par ce mélange de puissance et d'agilité. Ici, on est loin du taureau pataud que l'on voit brouter dans les champs. Le port altier, son cuir ondule au rythme des contractions musculaires lors de ses courses folles, et il nous donne à comprendre que durant toute sa vie, jusqu'à cet instant, personne ne lui a contesté sa supériorité.

Le paseo ou la présentation des acteurs 

Les péones, ces toreros subalternes qui assistent le matador, sont chargés de faire les premières passes afin que le patron jauge le taureau. La future victime qui dispose encore de tous ses moyens, envoie des charges fulgurantes qu'ils esquivent avec leur cape en se tenant bien loin de la bête. Puis le picador entre en jeu avec sa longue pique, uniquement destinée à affaiblir le taureau. C'est maintenant que l'autre partie des acteurs se révèle. Dans les tribunes, le public siffle copieusement les charges du picador qu'ils jugent trop sévères et on l'approuve. J'avoue qu'en cet instant, tout en déglutissant, la magie de la fête a disparu pour faire place à une scène bien cruelle. Il faut vraisemblablement un long temps d'initiation pour l'apprécier au plus juste. Pour l'heure, l'affrontement entre le cavalier armé d'une pique, juché sur son cheval carapaçonné et l'animal, me semble bien inégal. Les banderilleros sont prêts. Un trio de fantassins s'apprête à planter, chacun son tour, une paire de banderilles aux pointes acérées sur l'échine du taureau. Là encore, il faut faire abstraction du sang dégoulinant sur la robe de l'animal pour savourer le geste précis et élégant de l'artiste, qui à admirablement joué la scène si l'on s'en réfère aux vivats du public. Le taureau a perdu de sa superbe ! Etourdi par le ballet incessant des capes qui le sollicitent à chaque instant, affaibli par les piques qui pendent sur ses flancs, il n'est pas encore dominé, mais sa respiration haletante et son air hagard annoncent déjà une soumission prochaine.

 Le banderillero entouré des péones prêts 

Dans le dernier acte de cette tragédie, le matador entre en scène. Tout ce qui a précédé n'existe que pour mettre en valeur le rôle qu'il va jouer, et qui déterminera la réussite ou non de la corrida. L'orchestre entame un paso doble comme pour souligner l'importance de ce qui va suivre. La muleta a remplacée la cape et pour que la faena soit belle il doit faire sien le taureau. L'étoffe rouge ondule, amenant le taureau au fil des passes à le frôler de plus en plus. Il soumet progressivement la bête dans une danse à haut risque, jusqu'à se camper face à l'animal à quelques centimètres de ses cornes, les jambes écartées, les reins cambrés, le torse saillant et le regard conquérant pour affirmer sa domination. Puis, dans la même posture, il se tourne vers les gradins et dans un geste circulaire de la main embrassant la foule, il donne à apprécier sa prestation. Le final est moins glorieux. Le matador doit s'y prendre à deux fois pour achever son rival. Malgré tout, le public unanime agite son mouchoir blanc pour accorder une oreille à l'artiste. On sort de là un peu KO, ballotés entre la férocité du spectacle et les émotions qu'il procure.

 La faena du matador

Ce matin nous avons la banane à l'idée de reprendre la route en direction d'Avila. D'une part le tracé semble emprunter de toutes petites voies qui promettent du pittoresque, d'autre part Avila est décrite comme une petite Carcassonne avec des remparts magnifiques. De quoi nous ravir pour ces dernières étapes qui annoncent la fin du voyage.

 Une vraie récréation de rouler en direction d'Avila sous un beau soleil et sur des voies cyclables de toute beauté

Après cette belle étape, j'avoue que nous sommes un peu déçus par Avila. A part ses majestueux remparts, le centre historique ne nous apporte pas les émotions attendues. Dans tous les cas sans comparaison aucune avec Carcassonne, au contraire de ce que l'on avait pu lire.

La cité fortifiée d'Avila et ses remparts dans un état de conservation remarquable 

Il nous reste un peu plus de 100km entre Avila et Salamanque où nous attend notre voiture. Nous avons prévu un vague bivouac entre les deux sans trop de certitude, mais ce matin sur la route c'est morne plaine. Des étendues agricoles à perte de vue, pas un arbre à l'horizon, un paysage tristounet et le soleil qui fait son boulot à fond. Des conditions de bivouac qui sont loin de notre idéal et qui nous donnent à cogiter à la pause, que même si ça fait longtemps que ça ne nous est pas arrivés, 100km en une étape c'est encore dans nos cordes. Evidemment, à peine la décision prise un bon vent de face nous accueille pour les 40 derniers kilomètres.

 Rien d'intéressant à part rouler entre Avila et Salamanque 

Arian est une adhérente du réseau Warmshower qui s'était gentiment proposée pour garder notre voiture garée au pied de son immeuble à Salamanque. Durant un mois et demi elle a bougé le véhicule régulièrement afin qu'il n'attire pas l'attention des Guardia Civil. Très concentrée sur des révisions d'examens, nous n'avions pas vraiment pu faire connaissance en déposant la voiture, mais aujourd'hui elle a terminé et c'est avec plaisir qu'elle accepte notre invitation. Mieux, elle nous conduit dans un quartier populaire pour goûter aux meilleures tapas de Salamanque. Un vrai régal, autant gustatif que relationnel.

Mil gracias por tu ayuda Arian ! 

Une fois encore, cette virée nous a apporté tout ce que l'on attendait. Nous l'avons vécu comme une bouffée de liberté après une période bien morose, et la preuve qu'il est possible de faire plein de découvertes tout près de la maison.

A cet hiver sur un autre continent, si toutes les planètes veulent bien s'aligner !